Interview Hugo Chouinard
 

«Exprimez-vous par la musique !»

Entre sport et art, le patinage artistique signe sa singularité. Pour réussir cette symbiose, la musique est un élément primordial. Rencontre avec Hugo Chouinard, designer musical qui travaille avec les plus grands patineurs et chorégraphes tout comme avec de jeunes talents. C'est la synergie de ses différentes passions, le design, la musique et le patinage artistique qui a mené Hugo à exercer son métier. Cette année, le québécois célèbre ses 20 ans de carrière, au cours desquels il a déjà crée plus de 30.000 montages. Un travail de titan et de précision, reconnu par les plus grands à l'instar de Brian Orser, Julie Marcotte, David Wilson. Une reconnaissance méritée pour cet artisan de l'ombre qui a répondu à nos questions malgré un emploi du temps surchargé.

Comment vous êtes- vous  lancé dans ce métier de designer musical ?

Je n’ai pas débuté en me donnant le titre de designer musical. Au début, je recevais les premiers clients dans ma chambre dans la maison familiale. Je travaillais sur des cassettes 4 pistes et l’objectif était de créer des transitions fluides, de les faire disparaître. Ma démarche était plus technique qu’artistique et remplie d’exploration, d’expériences. C’est une phrase d’un de mes tuteurs à l’école de Design Industriel qui m’a ouvert les yeux et fait comprendre que cela pourrait réellement devenir ma vocation. Il m’a dit : « Quand tu pourras faire converger tes passions dans un métier, tu ne travailleras plus jamais. »

Depuis ce jour, le patinage et la musique sont au cœur de mes journées. C’est au fil des années et des collaborations que ma vision du montage, des structures de programmes se sont transformées. Les premiers chorégraphes qui m’on fait voir la musique avec une nouvelle sensibilité; Julie Marcotte, David Wilson, ont amené mon travail à un autre niveau, au-delà du simple montage. J’ai appris à façonner la musique pour lui faire raconter de brèves histoires de 2, 3, 4 minutes, à réellement designer un montage pour qu’il serve de canevas à la chorégraphie.


Qu'est-ce qui vous a amené à choisir ce métier ?

 

Un coup de tête! J’ai toujours eu une passion pour la musique dès mon jeune âge. Il y en avait toujours dans la maison. J’aimais les chaînes stéréo, les platines, l’apparition des disques compacts et de la musique numérique, bref comme tout bon adolescent des années 90’. Un matin à la patinoire, ma chorégraphe qui connaissait bien mes intérêts, me proposa de faire les montages pour ses élèves. Je n’avais jamais fait cela, mais j’ai dit oui. Et un projet à la fois, j’ai débuté l’expérimentation.

«Les contraintes nourrissent la créativité ...»

Pouvez- vous nous expliquer en quoi consiste exactement votre métier?
 

Créer un canevas musical fluide d’une durée précise, construit de manière à faire correspondre les moments de la musique avec les exigences techniques du patinage, tout en racontant une histoire qui mettra en valeur la personnalité de l’athlète et avec l’objectif ultime de créer une émotion auprès du public.

 
Comment à partir d'une idée, d'une musique construit-on la musique finale ?
C’est de l’expérimentation. Il n’y a pas de recette magique, car les options sont infinies. Parfois on part d’une seule pièce et on recherche des morceaux qui s’agenceront. On part d’une idée et on retourne tout à l’envers. Pour les athlètes internationaux, il est rare qu’on s’en sorte avec moins de dix versions du montage. Les projets restent ouverts des semaines, parfois des mois, même une fois la saison des Grands Prix entamée.  
 
En quoi le montage musical est-il si crucial pour monter un programme et pourquoi s'adresser à un professionnel comme vous ?
 
On met une fortune en enseignement des techniques, en création de chorégraphie, en équipement et costumes et, trop souvent, le véhicule, la base de toute la saison est négligée dans son rendu. Pour moi, une mauvaise transition est tout aussi dérangeante qu’un costume mal ajusté. C’est la fondation de la saison et on ne peut pas construire une saison gagnante sur une base faible.
 

Quelles sont les contraintes auxquelles vous êtes confronté pour adapter la musique par apport aux règlements et aux demandes de vos clients ?

 

C’est littéralement un casse-tête musical. Je joue à chercher des solutions de phrasés, de structures et de sonorités afin d’arriver à faire correspondre la musique à la durée et à l’ordre des éléments, aux contraintes qui me sont imposées par les clients et par les règlements.
 

 


De gauche à droite : Hugo Chouinard,la championne olympique Yu Na Kim et le chorégraphe David Wilson

Pour vous,  c'est quoi une bonne musique de programme ?

Une musique qui permettra à l’athlète de nous montrer son plein potentiel, peu importe la musique. J’entends trop souvent les gens dire qu’ils veulent choisir une musique qui plaira aux juges. C’est à mon avis une grosse erreur et un frein à l’innovation dans notre sport. Exprimez-vous par la musique!

Justement, comment arrivez-vous à faire ressortir la personnalité d'un patineur à travers la musique ?

 

En suivant le plus possible les athlètes, soit sur Internet, soit lors des compétitions. C’est important de connaître leur personnalité. Je fais beaucoup de brainstorming avec les chorégraphes. Il y a aussi une part d’exploration et d’expérimentation. La règle première est que l’athlète aime et soit inspiré par sa musique.

 

Vous avez  collaboré avec quelques uns des plus grands champions et entraîneurs quel sentiment cela procure ? 

Toujours de l’excitation. Je veux que chacun arrive à exprimer au mieux sa personnalité sur la glace. Ma plus grande satisfaction est d’arriver à transposer leurs idées en musique, de faire en sorte qu’ils aient le véhicule musical idéal pour mettre en valeur leur talent. C’est comme faire des costumes, on veut faire briller le meilleur de chaque athlète. Le moment que je préfère au cours de la saison, est de voir ce qu’ils auront créé sur le montage.

«J’ai toujours eu une passion pour la musique dès mon jeune âge»

Une rencontre vous a t'elle particulièrement marqué ?
 

Plusieurs de mes clients, athlètes, chorégraphes, entraîneurs sont devenus des amis. On passe d’innombrables heures à se creuser la tête pour créer de meilleurs concepts année après année. Ces liens sont devenus très importants dans mon quotidien et je ne pourrais en citer qu’une seule. Je suis impliqué non seulement au studio, mais aussi comme bénévole dans l’organisation de certains des événements autant régionaux que de l’ISU. Toutes ces rencontres me gardent continuellement connecté à notre sport et façonnent mon regard, me permettent d’évoluer.

 

Vous avez eu l'occasion de travailler avec Nathalie Pechalat et Fabian Bourzat qui ont un univers bien à eux, comment les définiriez-vous ?

Innovateurs, artistes, perfectionnistes. Ce fut un challenge pour moi, car ils ont une vision très précise de leurs concepts et un souci du détail très aiguisé. Souvent, le chorégraphe prend charge de la musique, mais Nathalie et Fabian ont toujours été au-devant du processus créateur avec des idées nouvelles et originales.

 

 Quels sont vos artistes ou vos types de musiques préférés ? À quels autres sports ou formes d'art vous intéressez-vous ?

 

J’aime de tout. J’ai un faible pour le tango argentin, la musique cubaine, Philip Glass, la complexité de la musique classique, la techno, le dubstep et je ne me cache pas d’aimer certains artistes de la pop. J’aime le design en général, le graphisme, l’architecture, Raymond Loewy, Ludwig Mies van der Rohe, j’ai d’ailleurs un Bac de Design Industriel ( Ndlr : équivalent du Bac + 4  en France) qui m’a donné bien des outils.

 
Comment enrichissez-vous votre vision artistique ? Et dans quelles sources autres que le patinage puisez-vous ?
 

J’écoute constamment de la musique, je suis l’actualité artistique, les nouvelles productions, mais également les classiques. Internet est devenu une source inépuisable de culture et de ressources. Mes clients m’enrichissent de leurs découvertes et de leur façon d’entendre la musique. C’est très subjectif, très personnel l’émotion musicale. Je travaille en majeure partie pour le patinage, c’est mon monde, ma famille, mais j’ai depuis quatorze ans ouvert la création à la nage synchronisée et malgré le fait qu’à la base nos sports peuvent sembler similaires en ce qui attrait à performer sur une musique, leur culture et l'utilisation des styles et rythmes sont tout à fait différentes.


 

Souvent, l’appréciation du public et des juges vis à vis d'un programme est très différente, comment l'expliquez-vous?

 

Le spectateur aura, en général, un regard plus émotif sur la performance tandis que le juge doit évaluer un ensemble plus vaste de paramètres.

 

«Je crois qu’il faut arrêter de faire des choix en se demandant ce qui pourrait plaire aux juges ...»

 

 

Pour vous, c'est quoi un programme marquant vis à vis du public et des juges?

 

En plus d’être capable d’accomplir les éléments techniques, le patineur devra être en mesure de combiner personnalité, style, projection, implication et charisme et évidemment, en symbiose avec sa musique.
 

La saison prochaine, les paroles vont être autorisées pensez-vous que cela aura un impact positif sur la diversité et l'originalité musicale des programmes ?

 

La saison est déjà commencée et je suis agréablement surpris de constater que plusieurs osent les paroles. Nous aurons de belles surprises !

 

                       

Hugo Chouinard a été danseur sur glace avant de devenir designer musical - ici avec sa partenaire Martine Michaux en 1994 lors des championnats Seniors canadiens

Quelle évolution majeure avez-vous pu constater ces 10, 20 dernières années?

 

Il y a 20 ans, plusieurs mélangeaient n’importe quoi pour faire un montage qui devait totaliser une durée prescrite : une approche contrainte par le manque de ressources techniques et musicales. L’informatique et Internet ont tout changé. Plus récemment, l’arrivée de l’IJS (systéme e jugement mis en place depuis 2004) a créé des besoins plus précis et le monde du patinage porte désormais une attention particulière sur la relation intime entre la musique et la chorégraphie. Mon travail est devenu vraiment excitant et me lance quotidiennement de nouveaux défis pour façonner la musique au mouvement.

 
 

Avez-vous l'impression que le système de jugement actuel rend plus difficile l'expression artistique ?

 

Les contraintes nourrissent la créativité…

 

On accuse souvent le patinage d'être désuet, en particulier parce qu'on entend les mêmes musiques, qu'en pensez-vous ?

 

La porte est maintenant grande ouverte, il ne reste qu’aux athlètes à oser. Je crois qu’il faut arrêter de faire des choix en se demandant ce qui pourrait plaire aux juges, j’entends cette phrase trop souvent. Les juges sont humains, ne l’oubliez pas et chacun a ses propres goûts musicaux, sa culture, ses racines. Si l’athlète aime et ressent sa musique, la magie va opérer.

Interview réalisée par Vanessa Saksik le 20 Juin 2014 - Crédits Photos Hugo Chouinard


Hugo Chouinard en quelques mots

 

Après une carrière de danseur sur glace dans l'équipe nationale canadienne, il est passé de l'autre coté du miroir. Depuis plus de 20 ans,  c'est au service d'athlétes tel que Yu-Na Kim, Javier Fernandez, Ashley Wagner Qing Pang/Jian Tong, Joannie Rochette, Daisuke Takahashi, Johnny Weir, Akiko Suzuki, Jeremy Abbott, Sasha Cohen et bien d'autres que le natif de Montréal exerce ses talents.

Toujours en harmonie avec son temps, Hugo Chouinard a crée en 2004 Studio Unisons (SK8MIX pour la version anglophonne) après plus de cinq ans de développement. Il propose, en plus d'un accompagnement personnalisé, des outils de collaboration on-line
, axés sur des idées et suggestions musicales. Des outils qui constituent une source d’inspiration créés pour les besoins très spécifiques du patinage.


Interview  Alexandre Hamel, fondateur de la troupe du "Patin Libre"

 

"La Règle de 3’ est une ode à la beauté de l’étrange, à la grâce des êtres blessés et à la victoire de l’extraordinaire sur le banal."

Alexandre Hamel, co-auteur et interprète

1- Pouvez nous présenter ce nouveau spectacle ?

Pour les artistes du Patin Libre, ‘La Règle de 3’ représente l’accomplissement de l’émergence du patinage comme une forme de danse contemporaine. La pièce est le résultat d’une année de recherches et de questionnements. La question était simple: “Qu’est-ce que le patinage?” Que reste-t-il, une fois qu’on le débarrasse de ses paillettes et de ses clichés?  Sur les étangs gelés de Montréal ou dans l’isolement d’une patinoire de province en France, les artistes-patineurs ont dû désapprendre ce que 15 années de patinage traditionnel leur avaient enseigné. Ensuite, ils ont exploré la glisse pure et les vertigineux mouvements statiques qu’elle permet. Le nouveau style qui a vu le jour utilise encore la virtuosité des 3 athlètes de niveau international mais il la redéfinit clairement comme un médium capable des symbolismes les plus touchants. Les athlètes sont devenus artistes.

Avec l’audace d’un humour noir muet, "La Règle de 3" raconte l’histoire étrange de 3 hommes soumis à une thérapie sensée les guérir d’une dépendance encore plus étrange. Les auteurs ont créé la pièce comme une satyre libératrice de leurs anciennes vies de patineurs pailletés. 


2 - Comment as-tu travaillé sur ce nouveau spectacle ?

Nous avons fait 3 résidences de création. Chez CyberGlace, de septembre 2011 à janvier 2012, sur les étangs gelés de Montréal de fin-janvier 2012 à mars 2012 et de nouveau chez CyberGlace de septembre 2011 jusqu'à maintenant.

C'est très rare, dans le monde du patinage, de pouvoir consacrer autant de temps à une création.  Pourtant, dans le monde des arts de la scène, c'est normal. Bien sûr, sans l'aide de CyberGlace, du Conseil des Arts du Canada, du Conseil des Arts et des Lettres du Québec et de l'ADAMI, nous ne pourrions pas pu nous mobiliser ainsi.

Nous avons construis ce processus de création sur les bases acquises au sein du Patin Libre depuis plus de 6 ans, maintenant. Même si nous sommes fiers de ce que nous avons accompli dans le passé, plusieurs choses ne nous satisfaisaient pas encore. La plus importante était le fait que nous n'avions pas encore assez investi dans une recherche formelle. Le processus de création de notre nouvelle pièce a donc été très axé sur des essais avec un patinage épuré et trouvant de nouvelles façons de mettre en valeur l'unicité de notre expression la glisse,c'est une démarche artistique moderne.

Plus tard dans la démarche, nous avons fait un énorme travail d'écriture et de mise en scène. Ici, nous avons été plus inclusifs dans notre approche. Nous nous sommes permis le mélange de patinage traditionnel, de théâtre, de notre patinage épuré et moderne et de musique pour arriver à une œuvre éclectique mais quand même contrôlée et concentrée sur les propos et l'histoire que nous voulions partager.

3 - Comment avez vu ressenti l'accueil du public à cette nouvelle création ?

Au festival, le public savait qu'il était dans un événement culturel, et non pas dans un spectacle sur glace. L’accueil a été au-dessus de nos attentes. Je ne parle pas d'applaudissements durant la performance car notre spectacle ne leur laisse pas vraiment de place et nous ne nous travaillons pas pour les provoquer, comme en patinage traditionnel.

J'ai plutôt senti une compréhension et une communication avec le public. Nous avons reçu une longue ovation aprés le spectacle et d'excellents commentaires. Je suis particulièrement fier que des gens comme Gary Beacom, Paul Duchesnay et Sébastien Lefrançois nous aient félicités. Ils ont aussi fait de nombreuses critiques constructives, dont nous avons beaucoup besoin. L'oeuvre a donc continuer de s'améliorer après le festival.

4 - Quel message avez-vous voulu faire passer ?

Premièrement, c'est une satyre du patinage traditionnel. On voit des ex-patineurs traumatisés par une vie dans le monde codifié et superficiel du patinage traditionnel. Ils doivent subir une thérapie pour vaincre leurs désordres psychologiques résultant de tout ça. Nous sommes dans l'humour noir, mais pas tant que ça...

Deuxièmement, le niveau de lecture le plus important est celui où le spectateur comprend que nous ne parlons pas que du patinage. Nous parlons de toutes les routines qui poussent les humains dans des moules contraignant et médiocres par leur standardisation. L'employé de bureau verra ce qu'on dit à propos du patinage et il se sentira compris dans son malaise à lui, qui doit s'asseoir devant un ordinateur et classer des chiffres 8 heures par jour. À la fin du spectacle, les personnages se libèrent et trouvent une voie vers le bonheur et l'acceptation. Les spectateurs, je l'espère, peuvent donc quitter avec un peu d'optimisme, malgré la réalité médiocre qu'on commente dans notre création et via notre satyre du patinage.

5- En quoi se distingue t'il des autres spectacles ?

Chaque œuvre d'art scénique se discerne de toutes les autres. Notre spectacle est donc comme n'importe quel autre œuvre de théâtre ou de danse contemporaine. Bien sûr, si on le compare au patinage traditionnel, notre spectacle a l'air d'un extra-terrestre. La grande différence, c'est que ce spectacle n'est pas là pour divertir, plaire, impressionner et vendre des billets...il est là pour exprimer, mettre au défi, toucher...c'est la différence entre l'art et le show-business. Nous sommes dans l'art, avec notre démarche.

6-Comment utilisez-vous les accessoires , quelle symbolique ont-ils dans cette œuvre de patinage contemporain ?

Il y a 3 accessoires dans le spectacle: des chaises, une table et un tableau. Ils dépeignent l'environnement clinique du groupe de discussion.  Mais des effets chorégraphiques et de mise en scène (ils glissent eux-aussi!) leur permettent aussi de participer à diverses ambiances et images de façon beaucoup plus que décorative. Le violoncelle de Jasmin, notre musicien, joue aussi un rôle symbolique. Il faut voir la pièce pour comprendre.

À part ça, la patinoire est toute nue. C'est une laideur et une simplicité volontaire assumée qui participe à la construction de l'ambiance de la pièce. Nous allons loin dans cette approche. À un moment du spectacle, nous remplaçons notre éclairage scénique par les néons du bâtiment. Ça a l'effet d'une douche froide visuelle! Ainsi, la patinoire entière devient notre accessoire.

7- La règle de Trois évoque la désintoxication du patinage, peut on dire qu'on garde toujours cette passion de patiner mais de manière différente ?

J'ai cette passion de façon plus intense, plus accomplie et plus totale qu'auparavant dans ma vie. J'aime le patinage plus que jamais. Cet amour s'est intensifié en moi parce que la démarche artistique que j'ai vécue avec mes collègues et amis a transformé une discipline physique en un moyen d'expression et d'appréciation de la vie complètement nouveau. Mon patinage ne me permet plus que d'être applaudi ou récompensé. Il me permet de profiter de mon corps et de ma condition d'être charnel capable de bouger. Je sais que tout ça semblera un peu fou aux patineurs traditionnels, mais je ne peux que leur souhaiter cette petite expérience. Je leur souhaite de vivre ce moment où ils glisseront sans bouger et comprendront la magie et le bonheur...

8 - Comment chacun a t'il participé au processus de création de ce spectacle ?

Taylor, Samory et moi avons développé la nouvelle esthétique gestuelle et écrit la pièce ensemble. Jasmin Boivin a créé la musique. En travaillant avec les auteurs, il a créé un éclairage subtile mais ultra-complexe. Pascale Jodoin a servi d'œil extérieur et manipule le projecteur poursuite.

Tous ensemble, nous faisons vivre la transformation dont le patinage a besoin pour devenir le moyen artistique dont nous avons besoin. Nous vivons ensemble une vie absolument décalée. Nous vivons dans une patinoire, complètement à l'extérieur du système. Nous avons sacrifié nos vies traditionnelles, des boulots stables et des relations normales avec nos proches. Une cellule ultra-intense s'est crée entre nous et c'est grâce à l'existence de cette cellule partagée que nous réussissons à travailler comme nous le faisons. Jasmin, Pascale, Samory, Taylor et moi participons tous également à l'existence de cette chose qu'on appelle un mouvement artistique. Nous espérons que d'autres se joindront bientôt.

9 - Ce spectacle évoque t'il des éléments du parcours de la troupe ?

Un peu. Les patineurs masculins cachent tous un trauma. Pour un homme, danser en costumes multicolores et pailletés pour un public majoritairement féminin, c'est une expérience très étrange. Même si on joue Rocky ou si on danse sur de la musique "cool", l'expérience reste bizarre et laisse des marques sur l'estime de soi et l'égo. J'en ai parlé avec des spécialistes du domaine de la santé mentale et ils sont tous d'accord.

Je crois que la majorité des ex-patineurs n'osent jamais s'avouer qu'ils ont vécu un trauma. Ou, ils ne le comprennent jamais. Affronter autre chose et la "vraie vie" devient difficile et ils restent souvent coincés dans le monde du patinage traditionnel, souvent avec une certaine amertume incomprise.

Personnellement, je crois que ma réalisation de l'étrangeté intense des 15 années de ma vie que j'ai passées dans le patinage traditionnel me permet d'apprécier le côté positif de cette expérience. Je peux maintenant avancer vers autre chose en utilisant ce que j'ai appris dans le patinage traditionnel. Moi, cette autre chose, c'est ma vie d'artiste. Je travaille en patinage contemporain et en cinéma. Des 2 côtés, ce que j'ai appris sur la glace m'est utile. Et quand mes petits démons en paillettes surgissent, au moins, je les comprends.

10 - Depuis que tu as crée cette troupe quel est ton sentiment sur le processus de création ? Comment t'es tu enrichi ?

Il y a tellement de processus de création différents. Par exemple, il y a une immense différence entre un freestyler qui crée dans un feu roulant de spontanéité et un patineur contemporain qui prend un an pour créer une pièce mise en scène.

Mon processus de création, cette fois s'est appuyé sur 2 choses. Une recherche formelle sur la glisse: nous avons découvert de nouvelles façons de danser sur la glace. Tout était basé sur une épuration. Cette compréhension de la façon d'utiliser du patinage a été très importante pour moi, dans la dernière année. Et ce n'est qu'un début.

La construction d'un propos: nous avons quelque chose à dire. Ce quelque chose est difficile à mettre en mots. La satyre du patinage n'est que le premier niveau de lecture facile à expliquer, car concret. Le message le plus puissant de la pièce est abstrait. Il est ressenti plus que compris. Il ne peut être transmis que par la pièce elle-même. Nous avons accepté cette abstraction. C'est complètement assumé. C'est ce qui fait que l'expérience du spectateur est riche. Il doit trouver en lui la vraie signification de notre œuvre. C'est le plaisir de l'art! C'est plus difficile que d'en prendre plein la gueule à coups de back flips et de carton pâte, mais c'est aussi beaucoup plus satisfaisant. Et il y a un public qui cherche et a besoin de cette satisfaction.


Quelles sont les diverses influences que vous avez puiser ? 

Mes influences viennent du domaine des arts vivants: cirque contemporain, danse contemporaine et urbaine, théâtre. J'ai la chance de venir de Montréal, qui est une capitale mondiale de ces arts vivants. Des groupes comme "Les 7 doigts de la main" ou "Rubberband Dance Group" ou "La la la human steps" m'ont beaucoup inspiré.

Le virage du ballet classique vers des œuvres expérimentales et exploratrices m'inspire beaucoup, aussi. La virtuosité et l'exactitude des danseurs de ballets deviennent des outils de création contemporaine sublimes. Les danseurs de ballets qui vivent cette transition exprime la même satisfaction que nous. Ils continuent d'admirer casse-noisette et le lac des cygnes comme nous continuons d'admirer Evegny Plushensko ou les grandes équipes de patinage synchronisé. mais quel bonheur d'évoluer vers autre chose, à partir de cette belle tradition.

Dans le monde du patinage, les grandes influences inspirantes que j'ai trouvées, jusqu'à présent, pour une approche culturelle du patinage, c'est Gary Beacom et Christopher Dean. Dean est un génie. Les danses qu'il a interprété avec Torvill et celles qu'il a créé pour d'autres interprètes, comme les Duchesnay. Dommage qu'il ait sombré dans le commercialisme du "On Ice", après tous ses coups de génies. C'est triste.

Gary Beacom est LE prophète du patinage contemporain. Passé la cinquantaine, son travail reste inspirant, touchant, relevé techniquement et surtout, intelligent. Son "I'm your man" n'est que le plus accessible de ses numéros. Si on regarde ses "vraies" grandes créations, on comprend que ce patineur est probablement celui dont on parlera encore dans 200 ans, si le patinage contemporain prend vraiment son envol.


Interview réalisée par Vanessa Saksik le 3 Novembre 2012


Interview Paul Duchesnay

« C'est ici dans ce festival, qu'on a essayé d'encourager les patineurs à innover et  qu’on leur a donné carte blanche pour leur dire montrez-nous quelque chose de neuf ! »

   

Pourquoi avez-vous décidé de faire partie du jury de ce festival ?

 Alexandre Riccitelli qui  est un de mes amis de longue date m'a demandé si je voulais faire partie du jury quand il a décidé d'organiser ce festival.  Je trouvais que c'était une bonne idée parce que ce n'est pas juste comme un spectacle traditionnel habituel, c'est plutôt un festival basé sur la créativité et qui encourage le patinage à progresser, à prendre de l'avance. Ça a toujours été un peu ma philosophie à ma sœur et à moi, d'essayer d'être plus avant-gardistes, c'est ce que ce festival propose et c'est ce qui m'a intéressé.

Dans ce festival, qu'est-ce qui vous a marqué, séduit ?

J'ai trouvé qu'il y avait certaines parties du patinage qui ont vraiment progressé, ce n’est pas nécessairement que le patinage artistique mais c'est aussi le fait de voir des patineurs qui ont des patins de hockey dans les séances publiques, qui arrivent à faire des jeux de pieds, des sauts. En fait, ça ressemble un peu au hip-hop mais sur glace et  ca  je trouve que c'est un aspect du patinage qui a vraiment évolué. Il y a aussi eu des artistes patineurs qui ont proposé des œuvres qui étaient fortes intéressantes.

En tant que jury,  comment arrive t'on non pas à juger mais à apprécier différentes œuvres ?

D'abord, on a essayé d'analyser toutes les étapes de créativité et tout le processus par lequel l'auteur d'un programme de patinage est passé pour le réaliser. Ensuite, ce qu'on a du tenir en ligne de compte, c'est toute la valeur de tout ce qui a du être crée pour produire ce programme. Nous avons donc jugé de cette manière là, en se demandant qui avait l'imagination la plus fertile ? Qui interprétait le mieux la musique et vivait le plus la musique? et non pas juste un paquet de mouvements sans raison.

« Aujourd’hui, avec le nouveau système,  un patineur est  forcé d’exécuter certaines figures sur la glace pour accumuler un maximum de points avec  un résultat pas toujours très esthétique.

 

Pour vous, vers quoi peut aller le patinage amateur pour se moderniser ?

Le problème qu'il y a, c'est qu'ils ont essayé d'instaurer un système où on quantifie par exemple la valeur des pas de manière mathématique. Un patineur est forcé d'exécuter certaines figures sur la glace pour accumuler un maximum de points et ça ne donne pas toujours un résultat très esthétique. Cela montre que quand on en fait plus, ce n'est pas forcement mieux. Dans la plupart des programmes qu'on voit maintenant dans les grands championnats, je trouve qu'il y a une sorte de manque de singularité, d'originalité. Ce nouveau système fait aussi que les patineurs produisent des éléments techniques avec une dextérité impeccable mais ça donne un produit qui est toujours ressassé. Pour le spectateur, ça devient un petit peu lassant car trop prévisible et c'est là où le patinage peut progresser. Je crois qu'il devrait y avoir un programme où on laisse l'entière liberté au patineur de s'exprimer, sans règlements ou du moins avec des règlements très larges dans lesquels on peut permettre d'exposer au public toutes les idées qui sortent de chez certains artistes patineurs. C'est le public qui devrait décider et non pas les juges qui devraient imposer ce que va voir le public.

Vous avez fait partie avec votre sœur Isabelle, de l'un des âges d'or du patinage français, on constate qu'aujourd'hui le patinage attire de moins en moins le grand public, comment l'expliquez-vous ?

On récolte le fruit de ce que l'on a semé, c'est çà dire cette espèce de répétition, le fait de toujours resservir au public la même chose. A force le public se lasse car il veut voir quelqu'un qui va apporter du sang neuf, quelque chose de nouveau et c'est ici dans ce festival, qu'on essaye d'encourager les patineurs à innover, à aller vers cette modernité. Ici, on leur a donné carte blanche pour leur dire montrez-nous quelque chose de neuf !. « La standing ovation que l’on a reçu à Leningrad en 1990  nous a vraiment marqué car on s'est dit qu'on avait réussi quelque chose de spécial ce jour là, devant le public russe qui nous a fait savoir qu'il préférait notre programme»

 Avec votre sœur, Isabelle, vous avez apporté beaucoup de modernité, d'avant gardisme, qu'est ce qui vous a poussé à prendre cette direction ?

Je pense que je m'ennuyais de voir ou faire toujours les mêmes choses et avec ma sœur, on a surtout eu la chance de travailler avec des chorégraphes qui étaient assez avant-gardistes, qui avaient déjà vu tout un éventail de styles qui n'avaient jamais été montrés sur la glace. On a décidé d'essayer de montrer quelque chose de neuf aux gens, un style qu'ils n'avaient jamais vu en se disant peut être qu'ils vont accepter. Les juges ont eu du mal à digérer mais je pense que ça a été une chance pour nous de pouvoir travailler avec des gens qui avaient des vues totalement différentes. Ça a  amené un vent frais et puis il faut que ça continue dans cette direction.

Comment arriviez-vous à gérer l'incompréhension des juges par apport à ce vous présentiez ?

On avait aucun problème à recevoir des mauvaises notes, nous notre plus grande hantise, c'était que le public n'aime pas. On patinait pour le public. Immédiatement après la fin d'un programme en écoutant la réaction du public, on savait tout de suite si on avait réussi ou non. D'ailleurs, je n'ai jamais regardé les notes lorsqu'on a gagné les championnats du monde, à Munich, en 1991. Je suis retourné dans les vestiaires et je me suis dit, je suis content, ça a marché. Je préfère être huitième avec une standing ovation (ovation debout du public) qu'être premier avec un applaudissement poli.

Quels ont été les meilleurs moments de votre carrière amateur ?

Les moments les plus mémorables ont été aux championnats d'Europe à Prague en 1988 où on présentait pour la première  fois « La Jungle » (programme libre) et notre tango (danse originale). C'était deux créations que nous avions travaillé avec Christopher Dean et qui étaient assez hors du commun par apport à ce que l'on avait l'habitude de voir. On avait eu un début de saison difficile car Isabelle avait été blésée à la main, ce qui nous avait empêché de participer aux championnats de France mais heureusement les dirigeants de la fédération (FFSG) nous ont dit qu'au regard de nos résultats antérieurs assez bons, nous étions autorisés à aller aux championnats d'Europe. Au fond, ce n’était pas plus mal car si on avait patiné aux championnats de France, ils auraient pu nous dire « Ne faites pas ce programme ça risque de ne pas plaire aux juges ». On est arrivés aux championnats d'Europe sans que personne ne nous voie auparavant donc c'était la surprise totale et ça a vraiment surpris tout le monde.

« Le  lien  qui nous unissait à Martin Stocknicky était très fort …. Il vivait un peu au même rythme que nos succès et nos défaites »
 

L'autre moment le plus fort, c'était aux championnats d'Europe en 1990, à Leningrad (Saint-Petersbourg) en terrain ennemi, chez les russes. Les russes Usova-Zhulin et Kilmova-Ponomarenko avaient déjà eu la note maximale e avaient patiné avant nous. Ils avaient déjà eu tous les 6.0 donc ils étaient assurés de gagner; et nous on a patiné en dernier et on a eu la meilleure ovation du public russe. Pour nous, ça avait vraiment beaucoup plus de valeur que des notes parfaites. On s'est dit qu'on avait réussi quelque chose de spécial ce jour là en Russie, devant le public russe qui nous a fait savoir qu'il préférait notre programme et là ça nous à confirmé que l'on était sur la bonne voie.

 

Vous avez eu une très longue collaboration avec Martin Stocknicky, votre coach et chorégraphe, comment définiriez vous ce lien qui avec votre sœur vous unissait à lui ?

C'était un lien très fort. Nous on a vu chez Martin Stocknicky, quelqu'un qui faisait ce sport pas juste pour des raisons financières mais par amour pour ce sport, ça faisait partie de lui. Il vivait un peu au même rythme que nos succès et nos défaites. Il était heureux si ça fonctionnait bien et à l'inverse il était complètement déconfit quand les choses allaient plus ou moins bien. On avait quelqu'un qui essayait de nous aider au maximum et qui se donnait vraiment la peine de nous pousser au maximum de nos capacités.

«Je remercie beaucoup la France pour nous avoir tendu la main, ça nous a permis de vivre une merveilleuse aventure»

 

Avez vous un peu pu suivre les générations de danseurs sur glace français qui vous ont succéder, certains vous ont-ils marqué en particulier ?

J'ai bien aimé Gwendal Peizerat (champion olympique en 2002 avec sa partenaire Marina Anissina) c'était vraiment un très bon patineur. Il a été très intelligent avec son entraineur (Muriel Zazoui ndlr) de pouvoir s'imprégner de beaucoup de styles différents. Il s'est entraîné avec beaucoup d'écoles différentes, ce qui en a fait un patineur très complet qui a bien su représenter la France.

Depuis l'arrêt de votre carrière amateur, qu'avez-vous fait ?

J'ai fait des spectacles pendant trois ans environ puis j'ai été entraineur pendant six ans environ mais dernièrement je me suis plutôt rapprocher de ma famille.

Pour conclure, que souhaiteriez vous ajouter?

Ces années sont passé vraiment trop vite, et je donnerai tout au monde pour le refaire car c'était vraiment spécial. Je remercie aussi beaucoup la France pour nous avoir tendu la main à un moment donné où nous étions au Canada, écartés de l'équipe nationale. A cette époque, nous n'avions plus aucun avenir au Canada et la France nous a tendu la main et ça, ça a été un regain de confiance et ça nous a permis de vivre une merveilleuse aventure et je n’oublierais jamais.

Interview réalisée par Vanessa Saksik le 3 Novembre 2012


 

Qui est Paul Duchesnay ?

Champions du monde 1991 et vice-champions olympiques en 1992 à Albertville, Isabelle et Paul Duchesnay ont fait briller les couleurs de la France. Bien au delà du palmarès, ils ont avec Martin Skotnicky révolutionné le monde de la danse sur glace grâce à leur style moderne. Atypiques, inoubliables et attachants, ils auront marqué leur génération et bien au delà. Pour la première édition du festival «Moins 5 degrés sur scène», Paul Duchesnay a accepté de faire partie du jury de ce festival ouvrant une nouvelle voie au patinage, un rôle sur mesure pour le franco-canadien déjà précurseur d'un nouveau style en son temps.

 


A lire : 


Interview Alexandre Riccitelli

«J'ai pas eu l'impression de me produire mais juste l'impression d'être moi avec des patins aux pieds»

Alexandre Riccitelli, octuple champion d’Italie, co- propriétaire de la patinoire Cyberglace et co-organisateur du festival nous livre ses impressions sur cette expérience et ses coups de cœur. Acteur et artiste de ce festival, il a aussi présenté un numéro atypique et un duo improbable, laissant derrière ses lames, les traces d'inspiration pour la peinture de Jean-Louis Espilit, le peintre qui l'accompagnait.


 

Quels sont tes impressions sur ce que tu as  vécu durant ce festival ?

J'ai eu l'impression de vivre plein de partage, ce qui était le but,  plein d'échanges, des visions différentes, des croisements d'idées, des propos qui sont parfois justement à l'opposé donc c'est intéressant car ça crée le débat. Moi, personnellement j'ai vécu quelque chose de nouveau parce que par le passé j'avais l'habitude de me produire et que là j'ai fait totalement autre chose j'ai pas eu l'impression de patiner, mais plutôt l'impression d'être juste moi avec des patins aux pieds, sur une surface glacée mais c'est tout.

Quel est ton sentiment par apport à la globalité de ce festival ?

Mon sentiment, c'est qu'on a ouvert ou  entrouvert une porte. Il y a des personnes qui nous ont beaucoup aidé à ouvrir cette porte, certains plus que d'autres, d’autres un peu moins. C'est pas toujours les personnes auxquelles on s'attend qui ouvrent cette porte. Je trouve que Benoît nous a donné une clé énorme pour ouvrir une porte et ça je l'en remercie énormément car c'est d’une générosité immense.

«On a ouvert une porte»

Quels sont les personnes, des prestations, des performances qui t’ont particulièrement interpellé dans ce festival ?

Je commencerais par Benoit parce que lui-même en arrivant là, il ne savait pas ce qu'il allait produire ni même si il allait se produire. La chose qu'il savait c'est qu'il avait envie, après c'est tout ce qui s'est crée au travers de différents échanges, je pense que l'envie est l'essence même de ce qui a donné sur la glace. En fait, il a réussi à mettre bout à bout certaines choses et qu'aujourd'hui, il va se mettre à travailler comme il faut. j'ai pas eu l'impression de patiner, mais plutôt l'impression d'être juste moi avec des patins aux pieds

Le Jury t’a décerné le prix de la création, quel est ton sentiment ?

J'ai été très surpris, je m'attendais pas du tout à ça. Je suis d'abord ravi pour le duo que j'ai fait avec Jean-Louis Espilit, le peintre. C'est juste un plaisir mais je suis ultra surpris car on sait pas foncièrement ce que l'on fait, on sait ce que l'on a envie de donner ou d'être sur le moment mais on ne sait pas bien à quoi ça ressemble ou les sentiments que ça peut transmettre sur le moment. Si ça a transmis de choses puissantes, intéressantes ou des choses  tout simplement qui ont pu interloquer le public et à fortiori le jury, tant mieux.

«On a eu des propos  parfois à l'opposé et c'est çà qui est interessant car ça crée le débat.»

Est-ce que ca t’as donner envie de renouveler l’aventure ?

J'ai envie qu'il y ait une suite ici ou même ailleurs, dans d’autres endroits, que ça puisse  aller dans d'autres patinoires, d'autres endroits, pourquoi pas même dans un théâtre, dans des lieux qu'on imagine même pas.
 

Quel est ton regard sur le patinage ?

Même si dans ce festival on est totalement dans une démarche je dirai que j’essaye de regarder les choses de manière positive.  Je regarde les qualités qui ont nées chez les patineurs, avec ce nouveau système de jugement, qui oblige les patineurs à en faire toujours plus. Et du coup, c'est vrai que ca a fabriqué des gens extraterrestres par apport à ce qu'on a pu connaître par le passé. Il y a des gens qui sont fabuleux sur le plan de l'exécution de l’enchaînement, de sauts à partir de pas d’enchainements, l’invention de certaines pirouettes, etc, etc…

Après ce qui est discutable et qui est naturellement en opposition avec ce que l'on fait ici, c'est que eux doivent le faire en quantité,  c'est la quantité qui fait la différence, c'est le nombre de tours, le plus de rotations, de retournements possibles. C'est donc bien la quantité qui fait la différence.  Dans ce festival, au contraire,  on enlève ça et on essaye de redonner de l'espace et de la liberté et de la respiration et même du vide comme le dit très bien Sébastien Lefrancois pour tout simplement respirer, réfléchir, penser, regarder, s'évader.

Interview réalisée par Vanessa Saksik le 2 Novembre 2012.


Interview croisée avec Romain Sorin et Thomas N'Guyen, les membres du groupe LBA du collectif ES Bahn  (artistes musique electro) et Julien Duliere (artiste- patineur)

 
Romain Sorin et Thomas N'Guyen, fondateurs de  LBA, un groupe de musique electro et dubstep  et membres du collectif Esbahn ont composé une musique sur mesure pour les freestyleurs, présents dans ce festival. Julien Duliére lui a composé un numéro sur le mime Marceau. Rencontre avec ce trio de choc.


 

Pouvez-vous vous présenter ?

LBA (Thomas N’Guyen)  : On est le groupe LBA, on vient d'Auxerre on fait de l'electro et du dubstep et on venus travailler à la patinoire Cyberglace dans le cadre du festival moins 5 degrés sur scène

Julien Duliére : Je suis artiste, chorégraphe interprète dans ce festival.

Qu'est-ce qui vous a motivé à participer à ce festival ?

LBA (Romain Sorin, Thomas N'Guyen)  : On est arrivés un petit peu par hasard car on connaissait pas du tout le milieu du patinage et de la glace, et en fait, c'est passé sur un bon feeling, on a rencontré les gens et ça s'est super bien passé. Ce festival a  vraiment été un bon contact.

LBA «Dans ce festival, on a vu des gens capables de sortir des clous»

Julien Duliére : Ce qui m'a motivé, c'est de pouvoir rencontrer du monde dans un premier temps, pouvoir partager, pouvoir explorer d'autres univers sur glace parce c'est vrai qu'on vient tous de milieux différents. On a eu l'occasion de voir du patin de vitesse sur glace adapté dans un numéro assez créatif, du patinage artistique comme du patin de hockey.

Vous avez composé une musique spéciale pour les freestyleurs dans le cadre de ce festival, y’a-t-il une culture commune entre la proposition des freestyleurs et votre style de musique ?

LBA (Thomas N’Guyen)  : Ce qui nous a rapproché c'est quand même la culture urbaine car ce que les freestyleurs font sur glace, ça ressemble beaucoup à du hip-hop, à du break et nous justement avec l'electro il y a des ponts qui se font avec le dubstep en particulier. C'est vraiment une musique urbaine très actuelle, donc finalement pour nous ce n’était pas très difficile de se projeter dans leur univers

LBA (Romain Sorin) :  Ce croisement, c'est une bonne expérience car c'est toujours intéressant de croiser deux cultures comme ça,  car même s’il y a ce pont de l'underground qui nous réunit, c'est tout de même deux milieux certes évènementiels mais qui étaient pas forcement destinés à se rencontrer.

Autant pour les freestyleurs, c'était peut être plus évident d'aller vers la musique. Nous, on voyait le patinage plutôt de manière assez classique et peu être assez figée, comme ce que l'on voit à la télé, c'est à dire des chorégraphies, déjà montées sur une musique.


Julien Duliére «Ce qui m'a motivé c'est de pouvoir partarger avec les autres et d'explorer d'autres univers sur glace»

Ce que l’on a vu dans ce festival, ce n’est pas juste des chorégraphies sur de la musique, c’est  des gens qui sont capables d'improviser, qui ont une culture urbaine, un  vécu, une expérience, une histoire. C’est des personnes qui étaient capables de proposer autre chose, des gens capables de sortir un peu des clous.

Cette musique on l'a fait sur mesure, on avait un petit cahier des charges, avec leur passion, ce qui les fait vibrer et on a fait aussi en fonction de ça. Ce qui est sorti en fonction de ça, c'est le Dubstep les cordes et ce coté un peu hip-hop à partir de tout ça on a fait cette musique. On est contents d'avoir rencontré tous ces gens et on espère pour quoi pas refaire un un jour quelque chose avec eux.

Qu’est ce qui t’as marqué dans ce festival ?

Julien Duliére : Ce qui m’a marqué c’est qu’il y a tous les styles de patinage, et que c'est ouvert à tout le monde. Tout le monde peut interpréter une création, peut importe les patins qu'il a, peu importe ses idées, il n'y a pas de barrière, c'est « Le champ des possibles» comme disait Sébastien Lefrancois le président du Jury.

Interview réalisée par Vanessa Saksik le 3 Novembre 2012.


Festival -5°C sur scène : Des artistes touchants et un final vibrant

Après le plateau très riche et prometteur pour la soirée d'ouverture, la soirée de clôture n'en fut pas moins éclectique et électrique. Une soirée venue clore deux jours de concours dans lequel chaque artiste-patineur aura eu une véritable occasion de s'exprimer, de montrer son unicité. Sur glace donc, les lauréats de ce concours et d'autres auront pu montré leurs créations au public venu nombreux en ce samedi 3 novembre.

 

Cette soirée aura surtout offert une belle vue d'ensemble de ce festival. Julien Duliére qui a obtenu le prix d'interprétation a livré sur glace un numéro sur le mime parfaitement dans le ton mêlant acrobaties et sensibilité qui a su captiver le public. Un numéro inspiré du mime Marceau

Gary Beacom a une nouvelle fois fait la démonstration de son patinage atypique. Samory Ba, lauréat du prix du Jury a proposé «l'important n'est pas le titre». Un numéro très différent car sans musique où la créativité a pris sa place tout en subtilité. Autre lauréat, autre numéro avec «L'escriteur» interprété par Alexandre Riccitelli et Jean-Louis Espilit qui avaient déjà eu l'honneur de présenter leur duo improbable mais réussi lors de la soirée d'ouverture. Dans ce numéro célébrant l'union entre le patinage et la peinture. Alexandre Riccitelli, octuple champion d’Italie a interprété des figures de base du patinage, laissant derrière ses lames, les traces d'inspiration pour la peinture de Jean-Louis Espilit, le peintre qui l'accompagnait.

Après sa soirée spéciale où ils avaient présenté leur nouveau spectacle «La règle de 3», le Patin Libre dirigé et crée par Alexandre Hamel a pu une nouvelle fois régalé le public avec 2 extraits de leurs créations sur glace. Deux numéros séduisants dont l'un fut «la corde», extrait de «La régle de 3» où Taylor Diley et Samory Ba utilisent cet accessoire avec beaucoup d'ingéniosité. Pour «Tap skating», Alexandre Hamel joue avec le public et ses patins. Dans cette création, pas de musique mais juste, le son des patins, grâce un micro fixé dessus. Une idée rafraichissante alliant purisme, modernité et originalité où le son des patins donne le rythme et entraine le public.

Parmi les différents numéros proposés, le groupe venu de Basel (Suisse) E.L.S avec ses toutes jeunes représentantes ont présenté un numéro sur le voyage intitulé «Les 3 mondes». Cette école un peu atypique a offert un numéro plus classique et plus proche des galas de patinage artistique traditionnel que l'ensemble des artistes présents. Un spectacle divertissant évoquant les différentes cultures pouvant encore murir sur le plan artistique mais qui aura aussi fait la diversité de ce festival. Dans ce festival, les jeunes filles de cette école suisse dirigée par Andréa Jost, auront pu toucher quelque peu à une autre approche de l'interprétation grâce à l'atelier organisé par Sébastien Lefrançois, le président du jury. Une piste à exploiter et à faire arriver à maturité pour se rapprocher un peu plus du patinage contemporain.
 

Autre voyage, autre patinage avec «La petite fille aux allumettes» un conte poétique et touchant qui se déroule, en plein hiver, la veille de la Saint-Sylvestre (jour de l'an). Ce conte d'Andersen est l'histoire d'une petite fille pauvre, forcée malgré le froid glacial, de vendre des allumettes aux passants pour survivre. Sur glace, c'est Alexandre Hamel qui signe cette chorégraphie, interprétée par Sarah Pillot et la troupe Alaya. Pour Alexandre Hamel, il s'agit quelque peu d'un retour aux sources «ce conte ressemble un peu à ce que nous faisions au début, c'est à dire des contes sur glace, sans recherche approfondie mais éloignés du coté show d'Holiday On Ice». Dans cette création, l'intérêt narratif et chorégraphique s'unissent du début à la fin sur la glace. Bien plus qu'un numéro de patinage, les artistes ont présenté une histoire et une chorégraphie structurée et cohérente où tout est en lien. Le résultat est fidèle au conte d'Andersen tout en laissant place à la création grâce à la troupe d'Alaya, composé de quatre artistes avec un numéro utilisant le feu pour symboliser la chaleur féerique quand cette petite fille réussit à faire du feu avec ses allumettes.

Emmanuel Huet et Nadine Le Saout qui ont présenté un numéro très moderne sur une musique intitulée «Rencontre». Un numéro qui fut patiné avec brio. Un hommage indirect à Jayne Torvill et Cristopher Dean, champions olympiques de danse sur glace (1984) qui révolutionnèrent leur discipline par leur style et leur modernité.

Dans un tout autre style, le duo formé par Julien Duliére et David Guillemot a enflammé le public avec une performance très physique dans laquelle les acrobaties sur glace et la musique urbaine ont donné un résultat plus qu'enthousiasmant. Et cette soirée de clôture s'est terminée avec une communion totale avec le public qui a pu s'essayer sur la glace à du Freestyle en compagnie des différents artistes qui ont été en quelque sorte leur guide. Des guides pour le présent et le futur du patinage contemporain.

En fait cette soirée fut aussi et surtout la célébration de plusieurs formes de patinage, le patinage artistique traditionnel mais surtout contemporain, le patinage de vitesse, le freestyle sur glace et même le patinage avec des patins de hockey. Pour Alexandre Riccitelli, co-organisateurs de Moins 5 degrés sur scène «Ce festival peut interpeller des enfants qui apprennent le patinage qui peuvent choisir de prendre telle ou telle orientation» Ainsi, ce festival aura pu toucher petits et grands.

 


 -5°C sur scène, un festival totalement givré

Le festival «Moins 5 degrés sur scène» "-5°C sur scène" s'est tenu du 1er au 3 Novembre dernier à Monéteau-Auxerre, en Bourgogne, au sein de la patinoire Cyberglace. Récit d'une aventure réussie
 


Tout a commencé au début de l'année un peu comme un pari fou, Alexandre Riccitelli,Thierry Voegeli propriétaires de la patinoire Cyberglace et Alexandre Hamel, le président d'Arts sur glace et créateur de la troupe du «Patin Libre» ont imaginé ce festival de «-5°C sur scène». Un festival ouvrant une voie vers une autre forme de patinage. Très vite, le projet prend forme et des premières pré-rencontres sont organisées. La première a eu lien fin avril  à la patinoire de Saint-Ouen. Sur la glace audonienne, Sébastien Lefrançois, chorégraphe de la scène hip-hop réunit plusieurs freestyleurs locaux et plusieurs patineurs dont Julien Duliére et David Guillemot qui feront partie de l'aventure finale. Une autre pré-rencontre à Auxerre et quelques mois plus tard, le festival prend vie. Au programme le concours sur deux matinées et 3 soirées exceptionnelles. Des programmations inédites à l'instar de cette première soirée d'ouverture autour de Gary Beacom et d'autres patineurs venus de tous horizons. Et pour l'occasion, les journalistes étaient aussi présents à l'instar de France Bleu Auxerre (4 heures de directs) et de France 3 Bourgogne.

En ce soir du jeudi 1er Novembre qui célèbre les morts, le spectacle donné dans l’antre de la patinoire Cyberglace est bien plus que vivant et ça tombe bien puisque ce festival célèbre «Les arts vivants sur glace».  La patinoire est déjà presque pleine quand les lumières s’éteignent et c’est Sébastien Lefrancois, Président du Jury de ce festival et chorégraphe émérite de la scène hip-hop qui ouvre le bal. Il prévient «C’est une première mondiale, on a eu envie de mettre un coup de pied au patinage, pas au patinage artistique mais au patinage en général, on a eu envie de fabriquer quelque chose de neuf».
Autre mot d'ordre de ce festival, la rencontre. Et cette première soirée du festival commence justement avec une rencontre un peu improbable. Une rencontre mariant le patinage et la peinture. Pour la faire vivre sur scène, Alexandre Riccitelli plusieurs fois champion d’Italie avait choisi un numéro atypique où il partage la toile glacée avec le peintre Jean Louis Espilit.
Sur la glace, Riccitelli s’est donc essayé à plusieurs mouvements du patinage. Ainsi, il a interprété la lecture des figures de base du patinage, laissant derrière ses lames les traces d'inspiration pour la peinture de Jean-Louis Espilit; belles pirouettes, trois, croisés avant, chocktaws, mohaks, pas russes et autres figures du patinage artistique. Dans ce numéro de 2 minutes et demi, l’auxerrois d’adoption a accompli ces figures avec rigueur mais surtout avec génie. Des figures retranscrites sur la toile par Jean Louis Espilit sur une œuvre décomposée en 8 morceaux. Ainsi dans ce numéro, le papier et la glace sont tels un miroir l'un de l'autre et vice versa. Alors dans ce duo inattendu, reste à savoir si le patineur inspire le peintre ou le contraire,du patinage ARTistique en somme.
Pour sa soirée spéciale intitulée «Carte Blanche à Gary Beacom», le canadien a proposé trois numéros au gré de ses envies dont le célèbre «I am your man» de Leonard Cohen. C’est aussi trois numéros uniques dans lesquels Gary Beacom a une nouvelle fois exploré le mouvement, capté le public, fasciné les spécialistes car Gary Beacom justement est un créateur né, un créateur de mouvements jamais vus, loin des stéréotypes figés voir uniformes du patinage artistique traditionnel.
Pour cette soirée donc, la patinoire Cyberglace a accueilli un invité prestigieux totalement dans l’esprit de ce festival, berceau d’un nouveau patinage . Et ce nouveau patinage justement est aussi incarné par la troupe du «Patin Libre» qui partagea ce plateau avec Gary Beacom. «Le Patin Libre» est une troupe née au Canada composée par Alexandre Hamel, Samory Ba, Taylor Diley et Pascale Jodoin. Tous ou presque sont d'anciens patineurs qui lassés du système traditionnel sont venus chercher en résidence à Monéteau-Auxerre une nouvelle forme d'expression à leur art. Et justement cette troupe franco-canadienne propose des spectacles de «patinage contemporain». A  Auxerre, pour ce plateau partagé, la troupe du Patin Libre a proposé deux extraits de son spectacle "Confidences" traitant de l'exclusion. L'un utilise l'univers du cirque et l'autre celui de la rue. Et la plongée dans ces deux univers est réussie. Résultat d'un processus de création beaucoup plus mature mais aussi plus proche de la méthode cinématographique. 
Pour  ces numéros, tout est vraiment pensé et travaillé différemment que dans le patinage traditionnel plus axé sur le choix d'une musique, d'un montage chorégraphique et de la technique. La recherche et la création sont au coeur de ces deux numéros tant sur le plan du scénario, chorégraphique et sonore que sur celui de la proposition artistique et du message à faire passer. Ici , le message est plus important que la technique ou le show. D'ailleurs, les membres de cette troupe se définissent comme des artistes et non comme des athlètes.
Dans cette soirée éclectique, l'hommage à l'inde fut célébré par Nadine le Saout et Emmanuel Huet , des danseurs sur glace. Le duo a proposé une chorégraphie moderne et envoutante intitulée «Bolywood».
Pour clore cette soirée d'ouverture ce sont plusieurs freestyleurs réunis autour de Julien Duliére, Ambre le Ferrec et David Guillemot qui ont fait groover la patinoire avec un patinage différent. Pour ce numéro final, c'est le groupe L.B.A du collectif ESBAHN qui ont concocté une musique sur mesure aux sons éléctros.


Car le Freestyle c'est aussi tout un autre univers et ce mariage avec de la musique électronique fut un réel succès. Une soirée terminée en apothéose avec tous les patineurs dansant sur la glace au sons des D.J. Une très belle image de fin , célébrant la fête et la réunion de plusieurs formes de patinage contemporain et de plusieurs patineurs.

Pré-rencontres - 5 degrés sur scène à Paris 
 

             INTERVIEW SEBASTIEN LEFRANCOIS

Sébastien Lefrancois, un chorégraphe de danse contemporaine et urbaine. Ancien patineur de haut niveau et frère de l'ex patineuse  Sabrina Lefrancois, il est devenu un nom de la scène hip-hop et contemporaine , notamment à travers ses collaborations au festival «Suresnes Cités Danses».


 

 

Quel a été votre parcours ?

A 12 ans, je suis rentré en sport-études (en patinage artistique) comme beaucoup de gamins le font. De fil en aiguille comme, je me suis rendu compte que je grandissait dans ce milieu là, que j'y faisais des trucs intéressants et moins intéressants. Plus je devenais mature, plus je grandissais, plus je me rendais compte que c'était pas un truc fait pour moi mais qu'en même temps il y a avait quelque chose qui me rattachait à cette discipline.

J'ai compris en essayant d'analyser un peu comment je faisais, qu'est que je faisais au juste que l'aspect artistique était plus important pour moi que l'aspect performance physique et technique. J'ai profité de l'armée pour m'isoler. J'habitais Cergy-Pontoise à l'époque et j'étais dans une envie pendant l'armée de faire «mon université culturelle», de faire les nocturnes des musées, d'aller voir des spectacles en répétition générale. J'essayais d'être vraiment curieux pendant 1 an, 2 ans.

J'ai ensuite monté un atelier avec des danseurs hip-hop à Cergy c'est comme ça que de patineur je suis passé un faux danseur hip-hop puisque quelque part dans ce j'ai partagé avec les danseurs hip -hop de Cergy-Pontoise il y avait des restes de patinage artistique. Au lieu de faire des break, il y avait des morceaux de pirouette assisse. Au lieu de virevolter comme ils le faisaient, il y avait forcement une influence du patinage artistique. J'ai toujours été très bâtard comme ça.

Petit à petit, j'ai construit un groupe, on a évolué mais le patinage artistique a toujours été présent dans la danse et vice versa. C'est là que j'ai crée la compagnie «Trafic de Styles». Elle est venue du fait justement que j'avais complètement du mal à trouver dans quelle stylistique on se trouvait.

La meilleure façon de faire c'était de marquer dessus «on ne sait pas dans quelle stylistique on est», si c'est du vrai hip-hop, faux hip-hop, du patinage sur glace, de la danse contemporaine en sachant que j'en avait pas fait.

En fait, je crois que c'est un peu tout ça à la fois et en même temps un truc qui m'a fait grandir dans cet espèce de no man's land, dans cet espèce de choses un peu improbable. La meilleure chose c'était de dire qu'on trafiquait avec absolument tous les styles.

Qu'est ce qui vous a attiré dans ce projet de «-5degrès sur scène» ?

Souvent, j'ai fait des allers et retours depuis que j'ai quitté le patinage; J'ai essayé d'y revenir et très souvent j'ai été déçu parce qu'on était dans le formatage, parce qu'on les gens ne comprenaient pas ma démarche, parce qu'ils avaient du mal à trouver leur intérêt dans ce que j'avais à proposer. Là ce qui m'a attiré c'est que psychologiquement parlant, philosophiquement parlant j'ai des gens qui sont d'accord avec la politique de travail, de création que j'ai envie de mener. Je trouve que le rassemblement s'est fait là dessus.

Très honnêtement la compétition je la regarde même plus. Ça doit faire 5 ans que ça tourne en rond, que ça ne me surprend plus; Moi j'ai vraiment connu des années extraordinaires avec les Duchesnay (au début), le moment où l’on se disait «ça y est on va enfin pouvoir sortie de se carcans, on va enfin pouvoir s’exprimer pleinement» et très vite ça a été la désillusion parce qu’à la fin de la carrière des Duchesnay, c’est revenu vers quelque chose de très formaté donc le patinage amateur, je ne le regarde pas.

Après j’ai souvent été déçu dans les compagnies, les shows, c’est souvent un sous produit d’Holiday on Ice. C’est souvent du show et pas un acte de création, pas des choses qui vous surprennent.

Je suis assez méchant mais c’est souvent niais souvent des spectacles qui nous prennent pour des cons, voilà je le dis avec ce jargon désolé mais je le dis comme je le pense.

Il y a des gens comme Gary Beacom qui sont des exceptions culturelles, des espèces d'objets patinant non identifiés, des OPNI qui me font bien plaisir, qui créent de l’émotion. Voila quand je m’y rattache c’est forcement avec des types comme ça.
 

Est ce que c'est un peu un retour aux sources de travailler avec des patineurs, de revenir vers le patinage ?

J’ai pas l’impression de revenir vers le patinage parce que malheureusement le patinage que j’ai connu c’est pas celui que j’ai envie de réinventer mais par contre c’est un peu un bonheur pour moi car je me dis « Il y a peut-être même tout à faire là». Ce qui m'intéresse c'est de travailler avec des patineurs qui ont de vrais disponibilités en eux, qui sont complètement ouverts à tout ce qu’on a à leur proposer.

Que désirez vous leur apporter ?

Je sais pas si j’ai la prétention de pouvoir leur apporter quelque chose, ce que je sais c’est que l’échange va être forcement productif. Je pars du principe qu’on va s'apporter des choses mutuellement.

Que peut apporter la danse hip-hop au patinage ?

La danse hip-hop c’est quelque chose qui a moins de trente ans donc c’est quelque chose qui est encore, contrairement à la danse classique ou la danse contemporaine, c'est encore extrêmement ouvert. Rien ne s’est fait en danse hip-hop donc comme tout peut se faire autant faire en sorte que l’on la fait se frotter avec d’autres possibilités.

Par exemple l’une des possibilités qu’on a beaucoup en danse hip hop, c’est la glisse pas forcement la glisse sur les patins mais la glisse. En franchissement urbain, on voit bien comment les Yamakasis glissent sur des rambardes, donc la notion de glisse dans le hip-hop c’est un outil très précieux.

Je pense que la première rencontre que l’on va fabriquer, c'est à partir de ces deux domaines, c'est-à-dire que c’est un sport de glisse et que en danse hi hop, la glisse permet la magie, les effets spéciaux c’est dans le média presque

 

Comment peut on faire le lien entre ce que l'on exploite déjà (avec les accessoires par exemple et la recherche des nouvelles formes de mouvement, et fusionner tout ça ?

La raison pour laquelle moi je fais ce genre de rencontres et de stages, c’est que précisément je sais pas. C'est-à-dire qu’un chorégraphe c’est pas quelqu’un qui a la science infuse, c’est quelqu’un qui est prêt à vivre des expériences qui sont de plus en plus surprenantes.

C’est un curieux un chorégraphe. Je pense si il y a un truc pour lequel je dois m’intéresser, me réinterresser à ce patinage c’est précisément parce que je dois moi pour continuer à poursuivre ma carrière, rester extrêmement curieux, donc «Comment on va faire avec des objets, la balustrade, le filet de hockey, comment on va faire avec la glace». Je suis curieux et on va apprendre ça ensemble avec une nouvelle vison, la mienne, c'est-à-dire 17 ans après avoir oublier le patinage et vécu des aventures en danse.
 

Vous avez participé au Festival « Suresnes Cité Danse», comment travaillez vous avec vos danseur, comment construisez vous vos numéros ?

Alors pareil je suis incapable de le deviner à l’avance. C'est un stage de formation exactement comme celui-ci, tout un coup on en avait marre, on trouvait rien, on tournait en rond, j’ai dit allez hop on sort.

on est sortis du théâtre et quand on été dehors on s’est amusés avec un banc public, une cabine téléphonique qui traînait là, une poubelle, d’autres objets et à un moment donné, on a rencontré cette barrière volante et à notre grande surprise elle s’est mariée avec notre geste, avec notre trait gestuel admirablement bien.

Pendant le stage, on est resté 3 jours bloqué la dessus je crois. Et là je me suis mis à travailler dessus, ça a fait son chemin dans ma tête, je me suis mis à digérer tout ça et puis lors d’un autre stage, j’ai ressorti cette barrière volante.

J'ai dit « Je veut bien faire le stage mais amenez-moi des barrières». Et on a retravaillé, et de fil en aiguille, je me suis demandé qu'est ce que ça me raconte, qu’est ce j’ai envie de faire avec ça, comment je peut trouver une histoire, l’histoire d’être barré et d’aller en arrière, la barre arrière, comment on rentre dans la poésie et une fois que j’avais tous les outils, tous les éléments je me suis senti mûr pour fabriquer quelque chose.

 

Quels sont vos prochains projets sur la scène de danse contemporaine ?

Là, j’ai très envie d’oublier l’objet et d’en revenir au corps, d’en revenir à nous, au mouvement pur. Finalement, je crois que je me suis un peu planqué derrière les objets et j’ai envie d’être « un peu dénudé de ces objets, un peu nu, en danger dans le public»

On avait envie de travailler justement entre l’objet qui fait frontière entre nous et le public, entre mon intime à moi et le public et c’est la peau. Sur cet objet peau, c’est bizarre parce que j’avais pas envie de travailler avec des objets mais est-ce que la peau va pas être notre objet peut être mais en tout cas il se trouve qu’elle fait partie du corps donc ça me convient bien.


 

 Le patinage autrement 

Le patinage freestyle, le patinage contemporain, le hip-hop sur glace sont autant de mouvements,  qui en sont à leurs prémices mais qui grandissent de plus en plus ces dernières années. A Saint-Ouen, à l’occasion des premières pré-rencontres du festival «- 5 degrés sur scène», plusieurs patineurs se sont retrouvés autour de Sébastien Lefrançois, ancien patineur reconverti depuis en tant chorégraphe de la scène hip-hop.

Stanandskate y était et vous fait partager cette expérience enrichissante et rafraîchissante pour le patinage artistique. Les deuxièmes prè-rencontres seront organisées à la patinoire Cyberglace d'Auxerre le 7 juin prochain, lieu même où se déroulera le festival « - 5 degrés sur scène » 1 er au 3 Novembre 2012

 

Redéfinir le mouvement, explorer de nouveaux appuis, penser différemment, tel ont été les axes de travail de ces pré-rencontres parisiennes. Dans les prémices de ce festival « moins 5 degrés sur scène », Sébastien Lefrançois a montré aux patineurs venus des quatres coins de la France et meme d'Europe, une autre façon d'apprivoiser son corps et une nouvelle manière de voir le spectacle avec la volonté de «faire quelque chose de différent». 


Sur la glace comme au sol, les 10 patineurs venus d’horizons différents, se sont retrouvés autour d'exercices totalement nouveaux pour eux ou presque…. Parmi eux, Alexandre Hamel, Julien Duliére, David Guizmo des patineurs déjà à l’origine du mouvement du freestyle sur glace. Mais aussi des patineurs comme Anne Laure Letscher, Julie Berthet, Claire Bournet qui ont tous pratiqué le patinage à haut niveau, et qui sont dans l’univers du spectacle. Au millieu de ces patineurs issus du monde du patinage traditionel, Samira, Andreas, Beluci, Lima, Lucien sont des freestylers expérimentés ont un parcours atypique ont aussi étés séduits par le projet. 

  

Durant ces deux jours, les patineurs réunis pour l'occasion ont pu découvrir une nouvelle manière de voir le patinage. Une expérience où le travail du corps s’est fait autrement et où les habitudes ont été chamboulées. A tel point que pendant une séance sur la glace, Sébastien Lefrancois s’est exclamé «Après 20 ans de carrière, ça vit enfin !». 

Avec ces pré-rencontres, tous se sont essayé sur la glace à des expériences inédites. L'un des premiers exercices est de dissocier la main du corps puis de d'associer le corps de la glace. Une exploration de mouvements nouveaux à l'opposé du traditionnel patinage. 


Dans ces exercices sur la glace, quelques notes musique sont venues accompagner les patineurs et quand la musique a pris fin, Sébastien Lefrancois a guidé Alexandre Hamel en lui disant «écoutes le chant de ton corps même si la musique s'arrête» 

Plus tard, ce seront des exercices hors glace que tous partageront. L’un des moments clé de la première journée a d'ailleurs été de travailler avec ses mains. Le but de cet exercice était d'imaginer une ficelle imaginaire entre les deux mains l'une étant la main manipulée et l'autre la main voyageuse. L'une des mains sert à tirer la ficelle imaginaire et l'autre se laissant guider par cette ficelle tel une marionnette. 

Avec cette expérience, l'espace et les mouvements sont redéfinis. Petit à petit, la main initiera un nouveau tractage avec le genou, le coude, l’épaule, la tête sont tirés par cette ficelle imaginaire ou d'autres outils. Dans ce geste, la synchronisation est importante car elle donne de la crédibilité au mouvement. Pendant prés de deux heures, tous répéteront ces mouvements avec la sensation parfois d'exécuter toujours la même chose. Une fausse impression car c'est cette répétition, qui donnera naissance à de nouvelles combinaisons. Une recherche qui sera quelques heures plus tard transposée sur la glace. 

Exercices pratiques mais aussi réflexion sur ce qu'est le patinage aujourd'hui ont rythmé ces deux jours dans l'enceinte de la patinoire de Saint-Ouen. L'un des thèmes majeurs évoqués fut la chorégraphie.

En effet, à l'heure où tout (mouvement, élément, niveau, variation ) est codifié dans les compétitions et où tout semble réglé comme du papier à musique dans les spectacles, Sébastien Lefrançois a proposé «d'accepter le silence chorégraphique». Quand chaque mouvement a un but dans ce que nous voyons actuellement, l’idée ici de faire un travail sur la sobriété chorégraphique car comme il aime à le rappeler «le silence, c'est classe!». 

Pour beaucoup, celui qui incarne le mieux cette sobriété classe, c'est Gary Beacom, célèbre patineur des années 80 qui a révolutionné la chorégraphie et a surtout proposé des choses simples mais différentes. Pour Sébastien Lefrancois, ce travail chorégraphique c'est « dépolluer la chorégraphie de tous ces gestes inutiles» et « prendre son temps pour vivre le mouvement.»

 

Ces pré-rencontres furent aussi l'occasion de réfléchir à comment écrire cette nouvelle page du patinage. Un moment partagé entre patineurs et chorégraphe où l'expérimentation était plus importante que le résultat. Et au fil des expériences sur glace et hors glace, le chorégraphe de hip-hop insiste «il faut être capable de désobéir à l'académisme». A l'image de Gary Beacom, sortir de l'académisme est aussi le lieu de très belles créations. 

La recherche de l'esthétique, du sensationnel, de ce qui va plaire au public est aussi ici évoquée mais Lefrançois lui a une toute autre idée de cette façon d'approcher le patinage «quand vous créez quelque chose, vous voyez le but». Une pensée qui selon lui régit très souvent l'univers du patinage artistique. Et pour lui en tant que chorégraphe, ce qui compte pour lui ce n'est pas « d'imiter les autres » où le chorégraphe mais plutôt « d'utiliser le savoir faire et la créativité du danseur». 

Pour faire du festival « - 5 degrés sur scène» une réussite, l'un des buts est de trouver des patineurs qui ont envie de faire quelque chose de différent. A l'heure où le mouvement du patinage contemporain est une sorte de laboratoire, l'idée est de faire des expériences même si la direction n'est pas encore totalement définie. Pour cela, l’une des pistes majeures est d’être dans le lâcher prise et d’accepter de se mettre en danger. Deux conditions pas faciles à mettre en pratique à l'heure où beaucoup sont frileux. 

Pourtant Sebastien Lefrancois, tous les patineurs réunis ainsi qu’ Alexandre Riccitelli et Thierry Voegeli piliers de ce projet, fondateurs de la société New'patinage, (la première société de services du patinage) et de la patinoire Cyberglace semblent vouloir prendre ce pari. Une belle ambition pour un mouvement en pleine ébullition. Et certains comme Alexandre Hamel, fondateur de la troupe «Le Patin libre du Canada» voit même plus loin «Il faudrait qu'il y ait plusieurs compagnies de patinage contemporain comme nous pour créer une réelle curiosité du public pour qu'ils se disent ça c'est du patinage contemporain».

 


 

Interview Alexandre Riccitelli

 

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis un ancien patineur artistique qui a fait une carrière dans les années 1980 jusqu'au début des années 90. J'ai fait ensuite une courte carrière, d'un peu prés 4 ans dans l'univers professionnel sans rentrer dans les traditionnelles troupes de shows sur glace. J'ai fait plutôt des tournées comme la tournée des Duchesnay, celle de Katarina Witt, Surya Bonaly, Grishkuv-Platov, des tournées avec des chorégraphes de danse, plein de choses complètement en dehors, comme des tournées en Asie à titre purement privé

Aujourd'hui, on gère avec Thierry Voegeli la patinoire Cyberglace qui existe à Monéteau/Auxerre depuis 1996, qui se veut être un endroit un peu comme un «laboratoire d'expériences» un peu à tous les niveaux, à commencer par le patinage en lui même, les différents modes de création de la glace aussi, tout les modes techniques qu'on peut gérer pour qu'une patinoire existe et c'est d'abord un gros laboratoire.

Dans cette patinoire, quelles sont les structures qui permettent de travailler ?

la piste en elle même car c'est pas une piste qui ressemble aux autres, car il n'y a pas de barrière pleine. Ce sont des barres de danse qui ceinturent la piste. On a un grand espace d'échauffement au sol avec des miroirs. C'est plus un lieu dédié au mouvement du corps et surtout un lieu où l'on veut que le milieu les séances publiques soit quelque chose de différent de ce qu'on voit aujourd'hui, qui revienne un peu plus au goût du jour, où les gens vont se dire qu'ils vont venir dans un endroit qui est beau et non pas un peu sortir dans une sorte de stade. C'est plus un lieu sympathique où l'on peut boire quelque chose.
 

Vous soutenez justement la troupe du Patin Libre du canada , pourquoi ce choix ?

Pour leur différence, leur originalité , le fait qu'ils préconisent un patinage un peu nouveau, qu'ils essayent d'ouvrir des portes qui jusque là n'étaient même pas visibles. Leur grande simplicité aussi et cette faculté de discuter avec tout le monde du patinage, c'est pas hiérarchisé «Moi je suis patineur artistique, donc je ne pense et je ne parle que de patinage artistique». Alex est quelqu'un de très ouvert qui essaye justement d'inclure tous les mode de patinage et c'est ça qui est merveilleux.

Comment vous positionnez -vous dans le Festival «-5 degrés sur scène» ?

C'est Thierry qui a trouvé le nom «-5 degrés sur scène». C'est né de la compagnie Cyberglace qui est une association culturelle,. Elle se différencie des autres dans le milieu du patinage qui sont le presque exclusivement des associations sportives. Cyberglace a donc un but culturel pour permettre la création des arts vivants sur glace et donc de faire en sorte qu'on puise voir des choses un peu différentes sur glace et de donner l'envie et du travail à plus de patineurs qui auraient envie de se produire dans des choses différentes.

 

Le patinage artistique traditionnel n'attire pas forcement des jeunes , avec le Freestyle sur glace on voit que cette tendance commence à changer, qu'en pensez vous ?

je trouve ça extraordinaire et puis à mon avis ils ont même un temps d'avance sur nous car comme le soulignait Sébastien tout à l'heure nous nous sommes déjà stéréotypés. Nous on a déjà une empreinte de patinage avant parce qu'il y a une tradition derrière nous . Eux, ils sont complètement libérés de tout ça, ils sont sans mauvais jeux de mots «vierges» et c'est merveilleux parce qu'ils évoluent de façon tellement naturelle. Ils créent des choses qui nous semblent même étonnantes. Et ils s'en rendent même pas compte, c'est ça le pire et c'est çà qui est merveilleux.


INTERVIEW SAMIRA

 

Qui es-tu Samira ?

j'ai 27 ans, j'habite à Epinay sur Seine. Je patine depuis 15 ans et je viens à la patinoire de Saint-Ouen depuis 10 ans (environ une fois par semaine). Je fait de Freestyle sur glace mais je n'ai jamais pris de cours de patinage, je ne travaille pas encore au sol et je n'ai pas de pratique niveau danse.

Qu'est ce qui t'as donné envie de participer à ces pré-rencontres ?

L'événement a été envoyé à certains contacts (groupe freestyleurs, patinoire Cyberglace, patineurs artistiques) sur Facebook. J'ai déjà rencontré Alexandre Hamel? Julien Dulière et David Guizmo dans une soirée Freestyle à la patinoire de Saint-Ouen, au début de l'année (voir notre article). On a partagé toute sorte de patinage et du patinage contemporain, du Freestyle, de la danse urbaine, du hip-hop sur glace.

 

Qu'est-ce que cette journée t'as apporté ?

J'ai échangé beaucoup avec Sébastien ça m'a appris beaucoup sur moi. J'ai appris des choses que je ne pensais pas savoir faire, Au niveau de la gestuelle, je me suis jamais lâché autant sur la glace bouger pour moi c'est pas dans mon habitude chaque fois que je viens patiner j'ai tête en avant , là tu découvres ton corps c'est encore plus fascinant que de patiner en vitesse

Le partage avec les gens moi si je patine c'est pour moi et pas pour les gens je viens pour montrer ce que je sais faire mais pour m'amuser .

 

 

 



Pré-rencontres du festival " Moins 5 degrés sur scéne"

 

                                   


Les figures de patinage artistique se dessinent autrement avec les pré-rencontres du festival «-5°C degrés sur Scène». Un festival des arts vivants sur glace en somme. Ni compétition, ni spectacle traditionnel mais plutôt l'opportunité de présenter une œuvre artistique sans contraintes ni règlements. A Paris, ce week-end, la patinoire de Saint-Ouen se transformera en véritable lieu d'expression pour ces patineurs. L'occasion de découvrir de nouveaux talents et d'offrir une autre vision du patinage artistique. Soutenu par la patinoire Cyberglace (Monéteau / Auxerre) qui sera le lieu des secondes pré-rencontres et surtout de ce festival avec des invités prestigieux. Cette patinoire conçue pour le développement de projets artistiques sur glace fut un véritable précurseur pour l'expression de nouveaux mouvement autour du patinage artistique.

Ces pre-rencontres seront aussi un lieu d'échange pour ces artistes avec la présence de Sébastien Lefrancois, un chorégraphe de danse contemporaine et urbaine. Ancien patineur de haut niveau et frère de Sabrina Lefrancois (qui patina avec Jérôme Blanchard), il est devenu un nom de la scène hip-hop et contemporaine , notamment à travers ses collaborations au festival «Suresnes Cités Danses». Alexandre Hamel et sa troupe «Le patin libre du Canada» seront également présents. Une nouvelle occasion pour le public de découvrir le patinage Freestyle. Un mouvement qui monte, qui monte.....


                                                            Le programme 

28 avril 201221h à 23h
Sur glace: Nocturne dansante et échange avec la communauté locale du patinage FreeStyle

29 avril 2012 - 12h45 à 14h30
Sur glace: FreeStyle, règles du jeu et concept: en quoi le ludique peut être source de création?

29 avril 2012 - 15h30 à 17h30
Hors glace : Comment le ludique peut-il devenir un laboratoire de recherche?

29 avril 2012 - 18h15 à 21h
Sur glace : Recherche collective: oublier la forme pour découvrir la qualité de mouvement

30 avril 20129h à 13h
Sur glace et hors glace : L'objet: partenaire de jeu et de danse

30 avril 201214h à 15h30
Hors glace : Comment organiser, financer et réaliser un projet artistique?
Hors-glace : Le spectacle sur glace : du théâtre ou de la danse?
Plus d'info www.moins5.org


 


Freestyle, le feu sur la glace !!!

Qui n'a jamais rêver de se mêler aux patineurs professionnels, voir de très prés leurs prouesses tout en étant sur la glace ? A Saint-Ouen, ce rêve est devenu réalité pour des centaines de personnes.



Samedi 12 janvier, la patinoire de Saint-Ouen s'est transformée le temps d'une soirée «Freestyle et show sur glace» en une scène de libre expression, où patineurs professionnels et public se sont rencontrés. Entre culture urbaine, hip-hop, acrobaties, Back Flip et patinage, c'est un nouveau visage et un vent de fraicheur que Julien Dulière et David Guillemot, deux patineurs Freestyle ont offert. Du vrai «show» sur glace !!!!



Le Freestyle sur glace, discipline qui connait un succès grandissant propose une approche radicalement différente, moderne et interactive du patinage artistique classique. A Saint-Ouen, le public n'était pas assis à contempler les prouesses des patineurs, mais debout sur la piste de glace, patins aux pieds. Mieux, le public venu nombreux, a pu se mêler aux pros de la glace, participer, avec quelques figures libres à l'instinct. Sur la glace, ces anonymes qui viennent d'habitude entre amis patiner, juste pour le plaisir, ont pu connaître leur petite heure de gloire. Une ambiance déjantée et décontractée où la connexion entre le public où les patineurs n'aura jamais été aussi forte et réelle.


Bilan de cette soirée ?

Julien Dulière, David Guillemot ont mis le feu sur la glace. Pour ces patineurs de la nouvelle vague qui veulent aussi s'exprimer autrement le pari fut réussi. S'exprimer en toute liberté et faire venir un public peu habitué à fréquenter les patinoires ou voir des spectacles de patinage, c'est aussi ça que ces deux jeunes et talentueux patineurs ont réussi à faire.


Interview réalisée par Vanessa Saksik le 12 Janvier 2012 - Photos Olivier Brajon 

 

 
 INTERVIEW FREDERIC DAMBIER

 
Entretien avec Frederic Dambier qui revient avec nous sur son parcours depuis l'arrêt de sa carriére amateur. Après une carrière réussie, l'ex-patineur signe une très belle reconversion avec sa nouvelle fonction d'Adjoint Responsable au service du Suivi des Pôles et des Sportifs de Haut Niveau au sein de l'I.N.S.E.P. Consultant sur Ma Chaîne Sport, il  nous livre ses impressions sur le patinage d'aujourd'hui et les performances de l'équipe de France aux Championnats d'Europe.  

  
Depuis janvier tu as été nommé Adjoint Responsable du service Suivi des Pôles et des Sportifs de Haut Niveau de l'I.N.S.E.P. ? Quel est ton rôle
?

 

Le premier, c'est principalement d'être un lien entre les différents Pôles France des fédérations. Il y a deux pôles qui sont présents à l'I.N.S.E.P, il s'agit de faire le lien entre eux, en ce qui concerne leurs conditions d'entrainements. Des installations sportives, ce qu'ils peuvent désirer en termes d'horaires, d'aménagement, d'aide à la performance (ex danse PPG, récupération) dans ce cadre là l'I.N.S.E.P a complètement restructurer son paysage avec beaucoup d'installations sportives qui sont toutes neuves. J'ai notamment en charge le suivi du futur stade nautique, le précédent ayant brulé. Il y a un projet de reconstruction avec un bassin de 50 M, une fosse à plongeon. Mon rôle, c'est d'être le lien entre toute la mission rénovation qui s'occupe de toute l'architecture, toute la partie technique et le pôle France qui peut avoir des exigences. Elles sont diverses, c'est par exemple en natation synchronisée elles ont besoin d'avoir leur matériel à proximité de leur bassin. D'avoir une coursive tout au long de la piscine pour que entraîneurs puissent avoir une vision globale un système de caméras donc c'est toutes ces choses là. Parallèlement à ça il y a la campagne des admissions il y a 630 sportifs qui sont présents chaque année à l'I.N.S.E.P;  et ça passe par les fédérations qui proposent des listes en interne ou en externe et en fait c'est ce service là Le responsable de service et moi-même qui chapeautons ces données là. Il y a une autre mission qui est très intéressante car l'I.N.S.E.P fait partie d'une association internationale du sport de haut niveau l'I.A.H.P.S.T.C(International Association High Performance sports training Centers).

L'I.N.S.E.P. finalement c'est un peu une vieille histoire puisque tu as été pensionnaire pendant ta carrière amateur puis enseignant en management des organisations sportives, quels souvenirs en gardes-tu

C'est un endroit qui a été vraiment important pour moi. J'ai vécu tout le début de ma carrière sur Tours et une fois que j'ai eu le Bac, je suis venu sur Paris. Mon choix s'est porté sur l'I.N.S.E.P et sur le pôle de Champigny. J'ai passé quatre ans en tant qu'interne, j'ai vécu des moments forts et particuliers parce qu'on partage la vie de multiples sportifs. C'est là-bas aussi où j'ai pu à la fois suivre ma carrière sportive, me former et avoir les diplômes qui font qu'aujourd'hui tu peut être recruté par l'INSEP,donc un univers particulier. Effectivement la vie est faite de manière un peu drôle et l'année dernière j'ai été sollicité par l'I.N.S.E.P. pour intervenir sur une formation sur un module de gestion pour des étudiants qui étaient en licence Management des Organisations Sportives. J'imaginais pas qu'un an après je serai là

Entre 2008 à fin 2010, tu as été Directeur des Sports, à la Cité Internationale Universitaire, Quel a été ton rôle et comment gère-t-on un si gros service 

C'était une super expérience et une vraie première expérience professionnelle. Le sport de haut niveau fait que l'on décale son entrée dans la vraie vie active même si de par le sport, on a un activité professionnelle qui est particulière en tant que sportif. Quand on n'a jamais managé des personnes, c'est un beau défi, avec des gens d'horizons différents puisqu'il y avait des cadres, des professeurs d'E.P.S. des maîtres nageurs, des personnels de direction, des gardiens. Le sport plus les études font qu'on se forge un caractère bien trempé, on apprend beaucoup de choses on apprend vite. C'est vrai que c'était une expérience humaine très forte, chaque jour j'apprenais des choses. Je pense que ces trois années ont été vraiment très très riches. Ça a été compliqué de partir. C'était extraordinaire et correspondait à mes aspirations, mais voilà la volonté de dire j'ai bien avancé, on a amélioré beaucoup de choses au sein du services des sports, que ce soit sur la gestion humaine de toute l'équipe, sur la qualité des installations, de l'offre sportive proposée aux résidents de la cité et de se dire finalement trois ans c'est un peu court. Je serai bien resté une ou deux années de plus, les choses se sont faites comme ça . Ça a été vraiment très enrichissant pour moi en terme de management. s'est là qu'on voit à quel point les études que j'ai pu faire et la carrière de sportif de haut niveau sont utiles car quand il y a un problème, on part pas en courant on se retrousse les manches.

Après l'arrêt de ta carrière amateur, tu as fait quelques shows mais tu t'es très vite tourné vers le management qu'est ce t'attires plus vers ça ?

J'ai toujours conçu le patinage depuis le début comme un plaisir et comme un loisir. Je suis arrivé sur Paris juste après mon bac et je me suis demandé ce que je voulais faire comme études et je me suis dit que si je pouvais continuer à patiner c'était génial. En quatre ans, j'ai passé mon Bac, ma licence et j'ai eu mon C.A.P.E.S du 1er coup. Je me suis retrouvé à 24 ans prof d'E.P.S avec un avenir tracé. J'ai pu faire du patinage, m'éclater et surtout ma carrière a progressé car jusqu'à 24 ans je n'étais pas dans les trois premiers français; je faisais quelques étapes de Grand Prix I.S.U  mais pas de championnats d'Europe ou de mondiaux. C'était bien mais il manquait quelque chose. Le fait d'être libéré de ce poids m'a aidé, j'ai pu participé à ces compétitions. C'est pas pour rien si quand j'ai arrêté à la patinoire on m'appelait papy.

J'ai arrêté en 2006, j'avais 29 ans et dans le patinage ou dans le sport, c'est vieux j'avais l'impression d'avoir fait mon temps sur les patins et pas forcement l'envie de faire des galas très longtemps. Si je continuais à faire des galas, c'était pour continuer à faire quelque chose d'intéressant techniquement et physiquement au top. Je n'envisageais pas de faire un programme de gala sans y inclure au moins trois triples sauts. Quelque part, j'avais l'impression d'avoir rien fait de ma vie. Surtout quand je regarde mes amis que j'ai connu pendant mes études ils avaient une vraie vie sociale alors je me disais je m'éclate mais qu'est ce que je vais faire si je continue jusqu'à 38 ans. C'était important de rebondir sur autre chose. C'est pour ça que je me suis dit je tourne la page et j'ai eu cette opportunité à la Cité Internationale. L'avantage aussi c'est que ça me permettait de ne pas raccrocher totalement les patins mais je sentais que j'étais arrivé au bout de quelque chose

Depuis 2006, tu interviens à Champigny auprès de Charles Tetar, quels sont tes champs d'action Et comment arrives tu à transmettre ton expérience

Les deux années qui ont suivi l'arrêt de la compétition, je suis vraiment intervenu en tant qu'entraîneur sur le Pôle France de Champigny pour épauler Pierre Trente (qui travaille en étroite collaboration avec Annick Dumond ndlr ) qui partait souvent en Italie pour travailler avec des patineurs italiens. Depuis deux ans avec Charles, ma fonction est totalement différente. En juin, je lui monte ses programmes et l'idée c'est que je le suive un peu pendant l'année avec par exemple quelques ajustements sur le programme. Quand je vais le voir, j'ai un œil différent sur lui. Je lui recommande à chaque fois que je le vois de faire une vraie bonne préparation physique. Je suis plus un intervenant mais je n'ai pas la fonction d'entraîneur. Pour moi un entraîneur, c'est vraiment quelqu'un qui suit l'athlète de A à Z. J'ai fait la chorégraphie des programmes de Charles. Quand je vais sur des compétitions par exemple je suis là mais je n'intervient pas . D'abord parce que l'athlète a besoin d'être avec le socle de ses entraîneurs et parce que ce n'est pas mon rôle. Après je voulais vraiment m'engager dans une vraie démarche, dans un échange mutuel et auprès d'une personne uniquement, en l'occurrence de Charles Je ne sais pas si je pourrai reconduire cet accompagnement pour plein de raisons, en particulier parce que je travaille maintenant à l'I.N.S.E.P où j'ai pas forcement envie de mélanger les choses et aussi de voir ce que souhaite Charles. Donc on verra aux Masters.

Quel est le secret pour toi d'une reconversion réussie ,

Il n'y a pas de formule magique ou de régles précises. Ça évolue énormément, il y a quelques années en effet les sportifs de haut niveau n'étaient pas nécessairement intéressés par ce qu'il y avait à coté. Au jour d'aujourd'hui il y a une double problématique. D'un côté, il y a des sports où les athlètes savent qu'un bout du compte il n'y aura pas forcement d'argent et la reconversion et sa préparation sont importantes. D'un autre côté, il y a des sportifs qui gagnent bien leur vie, qui sont professionnels, où les perspectives de bien gagner sa vie sont beaucoup lus importantes et pour qui ça peut être compliqué de se dire en plus de mes 5 ou 6 heures d'entrainement il faut que j'aille me former donc il n'y a pas un cadre général. Cela dépend aussi des sports, il y a des des sports ou à 24 ans on est vieux et d'autres où c'est plutôt à 30 ou 40 ans. En fonction des trajectoires, c'est complètement différent. Maintenant, je constate que le Ministère des Sports et l'I.N.S.E.P où je suis, mettent tout en œuvre pour s'adapter au projet de chaque sportif. Alban par exemple a souhaité avoir un équilibre entre les études et sa carrière de haut niveau et c'est réussi. Stanick par exemple lui était dans son son objectif performance et il a réussi une très belle reconversion avec sa boîte, sans avoir suivi un cursus classique de formation (ses patinoires mobiles aux quatre coins de la France). Encore une fois il n'y pas de règles. 

Tu es aussi consultant sur Ma Chaîne Sport depuis décembre dernier, être de l'autre côté de la barrière c'est très différent quelle expérience en tires-tu et quelle vision as-tu pu apporté?

J'essaye d'apporter surtout une connaissance technique sur le contenu d'un programme. Sur tous les commentaires, il y a souvent un journaliste et un consultant. Pour moi le consultant est vraiment celui qui va décortiquer le programme et le journaliste est plus l'équilibre pour raconter ce qu'il y a autour du sportif, avoir une vision positive ou négative du patineur. L'expérience elle est très nouvelle sur les championnats de France par exemple,on s'est départagé les choses avec Stanick Jeannette et Christophe Roux. Après moi, je suis plutôt sur la neutralité dans mes commentaires, je ne vais pas donner d'avis tranché. J'aime rester sur l'objectif et non sur le subjectif de ce que moi je peut penser d'un programme avec es personnes qui peuvent une perception totalement différente. En général, quand j'aime pas trop je ne dis rien.

Quel regard portes-tu sur ces championnats nationaux (où Abbott par exemple termine à 0,25 centièmes du podium U.S ) et en général sur la catégorie masculine au niveau mondial ?

On se retrouve un peu avec les mêmes interrogations que quand le nouveau système est arrivé . Avec ce nouveau système fait par des nord-américains, il y a eu cette polémique autour du quadruple saut qui n'est pas assez valorisé et c'est toujours d'actualité par exemple avec les J.O de Vancouver. Moi j'émettrais tout de même un avis ultra-positif quand on voit des patineurs un Takahashi ou un Florent Amodio, ce sont des vrais patineurs au sens que le nouveau système voulait développer. Ce sont des patineurs qui pourraient être des danseurs sur glace, qui utilisent vraiment les carres, qui sont de beaux patineurs mais en plus de cela, ils mettent les difficultés comme Patrick Chan par exemple qui a rajouté le quadruple aux championnats canadiens. Après il y a des polémiques comme aux championnats d'Europe, avec les difficultés super importantes du programme de Kevin Van Der Perren (Belgique) qui ne sont pas payées. On reste du patinage artistique, que ce soit le nouveau système ou non ce sera toujours la même chose, c'est un jugement humain, ça reste subjectif. Ces polémiques, on les aura toujours, elles existent depuis la nuit es temps et elles existeront encore. On pourra jamais formater précisément un programme sur les différents points il y a aura toujours matière à discussion. Sur l'évolution du niveau masculin c'est très positif on verra ce que ça donne aux mondiaux . Avec Chan et les autres, il va y avoir une belle bataille en tout cas.

Tu as commenté les championnats des États-Unis sur Ma Chaîne Sport, il y avait les les Championnats d'Europe en même temps avec 3 médailles et de super résultats pour la France comment as tu vécu cette expérience ?

C'était très dur de les commenter parce avec le décalage horaire c'était limite pendant les championnats d'Europe et en même temps je profitais des coupures pub pour aller voir les résultats. les résultats ont été extraordinaires avec ces 3 médailles et des résultats d'ensemble extra . Trois garçons dans les 10 premiers, c'est génial alors oui Brian et Alban ratent un peu leur programme court mais si on prend les programmes libres c'est beaucoup mieux. Comme toujours, on a une belle équipe de France et Maé m'a fait ultra plaisir. C'est une fille qui est consciencieuse et battante, qui continue d'apprendre. Elle rentre dans le top 10 avec des erreurs, sans faire son maximum et çà c'est génial .Adeline et Yannick, eux, pour leur première participation ont montré qu'ils tenaient la route et j'espère qu'ils vont continuer à progresser pour les mondes car ils ont tous les deux des qualités individuellement. Effectivement Nathalie et Fabian qui gagnent, c'est la récompense de sacrifices importants. Ils ont décidé de partir s'exiler et de tout remettre en question sur leur entraînement, sur leur vie personnelle et familiale, c'est beau. 

La seule chose que j'espère c'est que Nathalie Fabian, Florent, la fédération arrivent à emmagasiner cette expérience pour qu'on arrive à s'en servir, de voir ce qui a marché pour que dans 5 ou 10 ans on puisse l'appliquer, utiliser les méthodes d'entraînement et tous les petits trucs qui marchent pour que tous les athlètes qui sont potentiellement médaillables arrivent à leurs objectifs avec les meilleures méthodes . Sur les mondiaux, je vois mal comment Nathalie et Fabian pourraient ne pas avoir de médaille. La rentrée des canadiens a été pénible et une médaille d'argent est envisageable. Pour les gars c'est plus compliqué, il y aura l'armada japonaise et Patrick Chan qui vont quand même être durs à aller chercher, il y a aussi les américains. Florent a acquis encore un autre statut avec son titre de champion d'Europe. Brian a montré qu'il n'était pas encore mort avec un contenu technique qu'on avait pas vu chez lui depuis longtemps, il aura aussi à cœur de faire quelque chose. Pour moi, ce n'est pas envisageable que nos deux français ne soient pas dans les six meilleurs. Après sur le classement, ils peuvent très bien faire cinq. et six et pourquoi pas un et deux mais il faudra qu'ils soient irréprochables et que les autres fassent des erreurs mais les championnats du Monde ça reste une compétition. Pour Maè, ça va être délicat avec les japonaises et les américaines même si Mae n'a pas les mêmes objectifs. Les médias ont commencé à rentrer dans la comparaison entre Florent et Brian et je trouve ça assez stupide, après le rôle des passionnés c'est de ne pas rentrer dans ces polémiques et de soutenir l'équipe de France dans son ensemble. Il faut regarder les couleurs du maillot, ne pas rentrer dans ces guerres et ne pas faire distinction.

Interview réalisée par Vanessa Saksik le 3 Mars 2011


 

 

 

INTERVIEW JEAN CHRISTOPHE BERLOT

 « Il n’y a pas de plus beau cadeau dans la vie qu’une passion »

Expert et passionné, précurseur et visionnaire, tels sont les mots qui pourraient décrire Jean-Christophe Berlot, co-fondateur en 1986 du premier magazine français dédié au patinage artistique «Patinage Magazine».Diplômé d’un  Master of Science de l'Université de Stanford, ce consultant en management d'entreprise dédie depuis plus de 25 ans sa passion à travers les mots, est membre du comité de rédaction de Patinage Magazine et écrit aujourd'hui pour Ice Network. Dans la Préface de «Passsion Patinage: des origines à nos jours » qui fut son premier livre, Leon Zitrone le décrit comme «l'homme qui sait tout de ce sport de A à Z». Au fil de ses nombreux articles et ouvrages, Jean Christophe Berlot décrypte tout de cette si belle discipline entre sport et art. Un sport unique à la fois beau et exigent avec ses champions, ses icônes, ses «success story», son histoire, ses scandales et bien plus encore....... Portrait et confidences d'un «vrai fou de glace» comme le rappelle encore Leon Zitrone capable de vous expliquer ce sport dans les moindres détails, de vous raconter ces petites anecdotes qui font la différence, de vous livrer les secrets de ce sport avec ce talent rare : vous faire partager sa passion. Pour Stan and Skate, ce grand Monsieur du Patinage a accepté de répondre à nos questions.


 

Quel est votre parcours ?

Le patinage, c’est une très vieille histoire. Quand j’étais  petit, on n’avait pas la télé à la maison et je ne savais pas que le patinage existait. Et puis avec la télé est entré le patinage, que j'ai commencé à regarder avec mes parents. Après il s’est passé un phénomène curieux, à chaque fois qu’il y avait du patinage à la télévision et que mes parents  le regardaient, ça me réveillait la nuit! Je venais me blottir entre eux, je devais avoir 12/13 ans, c’était l'époque de Janet Lynn, Patrick Pera…On a tous une génération de patineurs avec laquelle on grandit et après, quand cette période se termine, on est tous un peu orphelin et on cherche ses marques, à force.

En 1979 lors d'un gala, j'ai rencontré Laurent Depouilly  qui était la vedette junior du moment.  Peu après, je lui ai  proposé de lui donner des cours dans différentes matières pour avoir son Bac, car j’étais élève ingénieur à l’école Centrale à Chatenay-Malabry. C'était un premier pas. J'ai commencé à prendre des cours de patinage et je recevais depuis un petit moment « Skating », le magazine de la fédération américaine. Je me suis alors dit «Tiens, il n’y a pas d’articles sur les compétitions en France, alors pourquoi pas?»

J’ai commencé à écrire sur le Grand Prix de Saint-Gervais,  sur le Trophée du Sucre (à Tours) le trophée d’Automne (au moment du Bompard). En fait Skating était le premier magazine dans lequel j’ai pu publier des articles et j’étais payé en dollars. Vous vous rendez compte ? Comme les vedettes de Hollywood, c’est merveilleux!

J’habitais Rouen et là j’ai vu un magazine qui s’appelait «Danse et Patinage ». Je suis allé voir la rédaction et avec Vincent Guerrier qui venait de la danse sportive, on s’est dit «Pourquoi pas un magazine sur le patinage! ». On  a créé Patinage Magazine en décembre 1986.  Je faisais partie de cette équipe là, aux côtés de Cécile Soler et Gilles VandenBroeck qui, bien qu’il se soit retiré assez vite, avait beaucoup milité pour la création d’un tel magazine.

Mon travail a fait que j’ai du m’expatrier aux Etats-Unis à Boston. On a essayé de faire grandir Patinage Magazine comme ça. Après, il a été repris toujours avec Vincent et Véronique Guerrier à sa tête, et Patrick Hourcade qui venait de chez Vogue.

Lui avait le prestige de Karl Lagerfield dont il gérait les collections de mobilier. C'est Patrick qui a mis le magazine au niveau où il est, c'est-à-dire autre chose qu’un «journal de paroisse ou d’école». Il en a fait un vrai, beau magazine. Depuis, je me suis fait une spécialité de l’histoire du patinage.

Justement, vous avez écrit le livre « Passion Patinage ». Comment avez-vous eu envie d’écrire ce livre. Comment vous est venue l’idée de monter ce projet?

Passion Patinage, c’est un projet ancien. Quand j’habitais aux Etats-Unis, je suis allé au Musée de patinage de Colorado Springs, et là j’ai vu qu’il y avait un endroit qui s’appelait le « Hall of Fame », le panthéon du patinage. Il y avait des français, dont j’avais déjà entendu parler en France, qui s’appelaient Pierre et Andrée Brunet. J’ai cherché leurs coordonnées, je les ai trouvés dans le nord du Michigan et j’ai été les voir. Et c’est cette rencontre qui a démarré l’envie de parler du patinage autrement qu’à travers les paillettes ou les champions du moment, et de dire "Non, attendez, c’est une école de vie le patinage!". A partir de ce moment, j'ai rencontré plein de gens dont Jacqueline Vaudecranne, qui vient de fêter ses 97 ans. Comme beaucoup d’autres, elle a patiné sous l’aile de Pierre et Andrée. Il y a aussi eu Albert Hassler qui était aux J.O. de 1927 dans l’équipe de Hockey. Hassler était patineur artistique,  3eme des championnats de France, mais également bobeur et patineur de vitesse. J’ai pu le rencontrer et ça, c’est des rencontres inoubliables!

«Un champion c’est celui qui, lorsqu’il entre sur la glace, sait qu’il ne lui arrivera rien»



Quel regard portez-vous sur le patinage actuel et sur le patinage français ?

Jacqueline Vaudecranne m’a dit un jour « je crois aux vagues », à un moment où il n’y avait plus grand monde dans le patinage français. Il y a eu un grand trou entre Patrick Pera et Jean Christophe Simond. Vers la fin des années 80,  il y a eu Paul et Isabelle Duchesnay qui venaient du Canada, Surya, Phillippe Candeloro, qui ont créé une belle continuité dans le patinage avec également Sophie Moniotte et Pascal Lavanchy, Marina et Gwendal, Olivier et Isabelle. Maintenant on est avec cette nouvelle vague qui nous enthousiasme beaucoup avec Nathalie et Fabian. Alors écoutez, le patinage français se porte très bien! 

Il y eu un « âge d’or » du patinage dans les années 90 avec notamment Katarina Witt et Surya Bonaly notamment . Aujourd’hui,  même si l’intérêt du public est encore là, les audiences, les diffusions de patinage artistique ont beaucoup baissé, comment l’expliquez-vous ?

Ca c’est une question excellente et essentielle, car on dépend tous de l’intérêt du public tous autant qu’on est. Un jour j’ai reçu une passion et mon bonheur, c’est de la vivre avec d’autres, de transmettre cette passion. On est tous là pour ça. En 1994, le 6 janvier si j’ai bonne mémoire, Nancy Kerrigan se fait agresser et là déploiement médiatique inouï, totalement fondé sur rien, des fantasmes et rien d’autre, qui porte le patinage aux nues et fait croire que le patinage est devenu 'le truc' dont le monde entier va s’emparer, et qui va amener des milliards et des milliards. L’histoire a prouvé que non, c’est ce qu’on appelle une bulle spéculative. D'ailleurs on a tous dégringolé après. En fait il y a des gens qui ont capitalisé sur ça en pensant qu’il fallait nourrir le patinage de scandale.

Au Lalique , tout d’un coup Michelle Kwan reçoit des menaces de mort alors qu’elle vient en France pour la 1ère fois. Panique dans la délégation américaine, il ne faut surtout pas le dire à la championne. On se doute tous que ce n’était fait que pour émoustiller le public qui en avait rien à faire, car il n'est pas idiot. Puis à Nice en 2000 (l’agression de Stéphane  Bernadis Nldr) dont on commence à se demander si ce n’était pas commandité en haut lieu simplement pour faire scandale.

Ensuite il y a eu le scandale de 2002 à Salt Lake City. Là on est allé trop loin, parce que c’est inadmissible, parce qu’on a triché, avec le public et les athlètes. Alors on aura beau dire ce qu’on voudra, ce scandale nous a tué notre patinage. L’ISU a perdu 30 à 50% de son budget, et en Allemagne, qui a pourtant  les doubles champions du monde Savchenko et Sokolowy, on voit que le patinage ne passe plus sur les chaînes. 

En France on a notre bon Nelson qui fait des pieds et des mains. Après on aime ou on n’aime pas son style de commentaire. Comment se fait-il qu’on ne diffuse plus les couples et les dames ? On a la danse et les hommes, avec Brian, grâce à qui ça tient encore, mais jusqu’à quand ? On le saura lors des championnats de France. En somme, depuis cette époque là (2002/2003) les sponsors se sont retirés et la télévision a baissé la garde, et là il y a des coups de pied aux fesses qui se perdent.


« Jacqueline Vaudecranne m’a dit un jour je crois aux vagues » 
 


 

Il y a aussi le ballet sur glace qui n’est pas aussi connu que le patinage artistique. Vous contribuez également depuis plusieurs années à l’émergence de cette discipline, dans laquelle vous êtes aussi juge. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Un jour il y a une dame, Jeanine Denier-Blanc, qui m’a dit « Vous écrivez très bien, venez juger des ballets ! » A l’époque, le ballet était jugé par spécialité : il y avait le juge de danse qui jugeait la danse, un juge de patinage qui jugeait la glisse, un juge qui était plutôt musicien mais pas juge de formation, qui jugeait la musique et puis il fallait un journaliste pour juger de l’originalité du thème et c’est comme ça que je suis rentré. Au bout d’un moment, les règlements ont changé et on m’a dit « Berlot, vous serez juge, et point. », ce qui est quand même étonnant, mais bon ça me plaisait, et puis un jour Jeannine Denier Blanc m'a dit « Berlot, quand je serais plus là, il faudra continuer » et j’ai continué.

Comment on juge le ballet ? C’est très subjectif. Pour moi en tant qu’organisateur, ce qui était important était que nous ayons les mêmes critères; les entraîneurs, les chorégraphes, les patineurs et les juges. Donc on a mis tout ce monde là dans le même bocal. Et ça tombe bien, il y avait pas trop de monde, et on a travaillé ensemble sur ce qu’était le ballet sur glace, c'est-à-dire les 8 critères, maintenant 9, sur l’organisation de l’espace, les possibles du corps, la manière d’interpréter, la qualité de glisse, de patinage et le reste.


 « Le scandale de 2002 à Salt Lake City  était celui de trop et là on nous a tué notre patinage »

On va revenir sur le jugement, qui est l’élément majeur du patinage, mais d’un autre coté qui est vecteur de scandale et d’injustice. Pour vous, quelles seraient les bonnes pratiques à mettre en place pour essayer de réduire ce problème?

Il y a déjà une chose, c’est que le nouveau système, le système IJS (International Judging System, Ndlr) n’a absolument pas empêché les biais nationaux et on le voit, il joue sur les GOE (Grade of Execution, Ndlr) et il joue beaucoup sur les composantes. Les juges font ce qu’ils veulent, et en plus ils ont maintenant l’anonymat. Première chose : rompre l’anonymat. Il faut que chacun soit responsable et ça c’est une proposition qui émane de beaucoup de monde, y compris des juges d’ailleurs. Là on se rend compte que même dans la qualification des éléments techniques, il y a un biais de la part du contrôleur technique. Il y a beaucoup de choses à revoir et sur lesquelles il faut discuter mais ce ne sont pas des propositions qu’il faut faire. Il faut plutôt mettre les gens ensemble pour qu’ils travaillent et se votent leur propre système.  C'est tout un processus, à la fin duquel  on arrive sur des choses très créatives, très novatrices.

Effectivement dans la performance du patineur, l’innovation et la créativité ne sont absolument pas valorisées, et ça c’est dommage ! Si un patineur fait un Axel ou un double Salchow retardé, c'est très beau; si une patineuse fait un saut de biche dans un programme, c’est un saut de posture. C'est très beau sauf que ça ne lui ramènera rien (en terme de points, Ndlr) donc elle ne le fait pas. Déjà il y a cette partie, la créativité, à laquelle on semble avoir renoncé, qui pourrait être un composant.

Les programmes de Nathalie et Fabian sont originaux et créatifs. Ce sont des petites perles, des joyaux bien taillés, qui pourtant ne sont pas valorisés comme tels de la part des juges, mais qui leur assurent une côte de popularité auprès du public. Il y aussi la partie ‘tronche’, la personnalité du patineur, l’individu lui-même. Katarina Witt rayonnait,  Peggy Flemming aussi. Philippe Candeloro, avec son style, a eu beaucoup moins de médailles mondiales que Surya, mais c'est de lui dont on se souvient, parce qu’il avait une présence. Que grâce soit rendue à ses entraîneurs, et à Natacha Dabadie sa chorégraphe. C’est stupéfiant de voir la différence entre le Philippe Candeloro des jeunes années 91-92 et le Candeloro de Natacha Dabadie, c’est la nuit et le jour. D’un coté, il y a l’intérêt mais il y a aussi tout ce travail de représentation, de comédie, d’effet dramatique et la capacité à s’exprimer et dire des choses qui marchent. La modernité, elle est beaucoup dans le contact avec les journalistes. Faire dire des choses excitantes à Brian n’est pas facile, même à Florent, quoiqu’il peut sortir des trucs sympas. Il n’y a pas la star, mais une star dans le patinage, c’est tous les 20 ans. Yu-na Kim arrive à ça sur la glace, mais moins dans sa relation avec les journalistes.


«On a tous une génération de patineurs avec laquelle on grandit »

 

Quels sont les patineurs qui vont ont marqué ?

Il y a Pierre et Andrée Brunet que je n’ai vu patiner que sur des films, mais il y avait une pureté de ligne, une beauté dans l’attitude, malgré les glaces qui étaient rugueuses à l’époque. Il y en a un qui est superbe à regarder, c’est Gillis Grasform, dont une partie de sa performance aux JO de Saint-Moritz en 1928 est sur Youtube. C’est prodigieux ce qu’il fait. Après on a Don Jackson, Carol Heiss en 1960 avec des programmes qui sont magnifiques, Janet Lynn, Peggy Fleming, avec un programme de toute beauté; il faut regarder celui de 1968 à Genève aux championnats du Monde même si l’enjeu était particulier. Et puis après, il y a John Curry, Denise Biellmann, tous ceux qui assurent cette alliance entre le sport et l’art.

« Si le patinage était reconnu à la hauteur de ce qu’il nous offre maintenant, il serait à la une »

Il y a bien sûr eu Brian Orser, Katarina Witt. Ceux-là, ce qui est beau c’est que j’ai eu la chance de les voir en vrai ! Bestemianova et Bukin, Torvill et Dean, ce sont des géants. Plus près de nous, il y a les messieurs où je suis un peu moins emballé., à l'exception peut-être d'Alexei Yagudin. Chez les dames, il y a Yu-Na qui a beaucoup racheté  la catégorie, j’avais moins accroché avec Michelle Kwan et Nancy Kerrigan. Il y a Lu Chen en 1996, à Edmonton sur le Concerto numéro 2 de Rachmaninov. C’est un souvenir inoubliable, je n’y étais pas et elle n’a pas gagné cette année là, mais c’était de toute beauté. Chez les couples les deux grands, bien sûr Gordeeva et Grinkov que j’avais vu à Genève et à Budapest, et Arthur  Dimitriev et ses deux partenaires Natalia Mishkutienok et Oksana Kazakova. Ensuite à titre personnel, Totmanina et Marinin, c’est vrai que j’ai bien ri avec eux et  l’on s’est côtoyé  depuis que j’ai retrouvé Patinage Magazine et Ice Network qui me demande des reportages sur la France. Il y a aussi Jamie Salé et David Pelletier qui resteront dans l’histoire, et pas pour le scandale mais parce que c’était un programme merveilleux. J’aime beaucoup Savchenko et Sokolowy, qui sont magnifiques et apportent quelque chose de nouveau. On est à une époque fabuleuse, si le patinage était reconnu à la hauteur de ce qu’il nous offre maintenant, il serait à la une sauf qu’il y a eu ce scandale. Merci à ceux qui l’ont apporté…

Comment voyez-vous le système de jugement actuel et pensez–vous qu'il ait changé quelque chose dans la manière d’approcher le patinage ?

Je vais vous répondre d’abord avec le cœur, je trouve qu’on va trop vers ce qui paie, au détriment de la création. Il faut être vraiment très fort pour sortir un programme original, en clair il faut être un Stéphane Lambiel. Maintenant au plan organisationnel, il fallait casser après le scandale de 2002, donc changer de système. Et il fallait le faire de manière assez autocratique et dire « c’est comme ça ». Par contre après dans la vie, ce qui est bien c’est d’écouter. Or il y a plein de voix qui proposent des choses très intelligentes, intéressantes, qui mériteraient d’être testées et qui ne sont pas écoutées. Et là, l’ISU est un peu coupable. Je trouve ça dommage mais bon, nul n’est irremplaçable. L’ISU aura un nouveau président dans trois ans et il changera les choses, c’est juste un peu long.
 

Pour vous qu’est qu’un champion ?

C’est celui qui, lorsqu'il entre sur la glace, sait qu’il ne lui arrivera rien; et ça change tout,  car au lieu de d’attendre la faute, guetter la chute, de tressaillir et s’accrocher à son fauteuil ou à son siège de presse, et bien non, on recherche ce qui est beau. Et si par malheur, il tombe c’est juste un pépin et rien de plus. Prenons Kristi Yamaguchi à Albertville en 1992. Il ne pouvait rien lui arriver, elle a trébuché sur le triple boucle, mais il ne pouvait rien lui arriver. Tout comme Carol Heiss en 1960 qui entrait sur la glace, ou Peggy Fleming en 1968. Fleming n’a pas fait son double Axel entre ses deux grands aigles, ni le double boucle je crois, mais c’était superbe, elle flottait !

« Les programmes de Nathalie et Fabian sont originaux et créatifs, ce sont des petites perles…»

 

Vous êtes consultant en management d’entreprise. Entre la gestion d’entreprise et la gestion des sportifs y a-t-il des choses que l’on peut appliquer entre ces deux sphères ?

Voyez Patrick Pera, médaillé olympique 1978 et 1972, est devenu gestionnaire de fortune en Italie et il m’a dit « C’est exactement les mêmes ressorts. Le champion c’est un chef, et c’est un chef pour la vie ». On gagne une médaille de temps en temps, pendant une période, et on reste champion toute la vie. Alain Calmat me l’a dit également et je le crois volontiers, moi qui ne le suis pas. Il y a ce lien entre le champion et le chef d’entreprise, parce que pour y arriver, il faut être patron de son équipe, qui comprend l’entraîneur, le chorégraphe, le préparateur mental, et le préparateur physique. Et puis il y a un autre élément, l'organisation. C’est pour ça que j’ai dirigé l’un des pans de la commission nationale des ballets, et que j’ai aussi représenté la France au niveau international dans le petit organe balbutiant dont faisait partie l’Espagne, la Russie, l’Australie, la France et les Etats-Unis.  L'organisation est aussi fondamentale dans une entreprise, où l'on ne peut pas se permettre de ne pas être performant, alors que dans les instances sportives, visiblement on le peut, en jouant sur la crédulité d’un public, les paillettes, et la médiatisation. Et ça c’est l’un des points sur lequel si je peux contribuer,  je le fais volontiers, parce que le système de jugement, ça n’avait pas besoin d’être une décision, ça peut être un consensus, et je regrette de continuer à passer à coté du consensus sous prétexte que c’est une lutte de pouvoirs.



Quelques mots sur le dernier livre «Le patinage dans tous ses états»

C’est  un livre avec de très belles photos, faites par Olivier Brajon, Jerzy Bukajlo et Xavier Lainé. Et ce que j’ai appris avec Patinage Magazine auprès de Patrick Hourcade et Céline Evain, c’est qu’on n’est pas là, nous rédacteurs, pour faire un texte que les photos vont illustrer. C’est pas ça le patinage, on est là pour illustrer les photos, des grandes photos et des petits textes qui vont donner la petite anecdote, le petit truc, le petit résumé, mettre les quelques mots qui vont bien. Comme les commentateurs de télévision, ils n’ont pas besoin de s’appuyer sur les mots, parce qu’ils ont les images et on apporte des mots pour commenter les images. Ca, c’est Léon Zitrone qui me l’a appris. Pour ce livre, je suis très reconnaissant à Vincent Guerrier d’avoir tenté l’aventure parce que d’abord c’est une super aventure de faire un livre et c’est aussi de transmettre cette passion qui m’a été donnée depuis toujours. Et une passion de vie, c’est un cadeau pour la vie.

Il n’y a pas de plus beau cadeau dans la vie qu’une passion. J’ai plein de choses dans ma vie, j’ai la chance d’avoir un métier que j’aime, une femme et des enfants que j’aime, et cette passion à laquelle rien de rien ne me prédestinait. Je crois qu'il est important  que les parents sachent que rien ne remplacera la passion. Pour le travail, il y aura une voie à trouver mais la passion, rien ne la remplacera .


Interview par Vanessa Saksik le 17 décembre 2010. Collaboration Danny Curry. Photo Daniel Castets avec l'aimable autorisation de Jean Christophe Berlot 

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